Diagnostic des zones tampons en place et préconisations

Sur les secteurs identifiés comme les plus vulnérables et pour lesquels le recours aux zones tampons constitue une solution pertinente (secteurs où les transferts superficiels prédominent), une seconde étape de diagnostic est nécessaire pour faire l’état des lieux des dispositifs tampons déjà existants ou des éléments du paysage pouvant jouer ce rôle. Ce diagnostic doit permettre de formuler un certain nombre de recommandations pour déterminer les améliorations à apporter pour optimiser l’efficacité des dispositifs existants, voire proposer de nouveaux aménagements pour renforcer la protection des milieux aquatiques récepteurs.

Diagnostic de l’efficacité des zones tampons rivulaires : un diagnostic « vu du cours d’eau »

Du fait de leur caractère obligatoire et de leur présence presque systématique aux abords des cours d’eau, le diagnostic des zones tampons rivulaires constitue une étape incontournable avant de proposer de nouveaux aménagements. Il s’agit en effet de déterminer si ces dispositifs sont effectivement présents, s’ils sont suffisamment efficaces et les causes d’éventuels dysfonctionnements.

Ce diagnostic fait l’objet d’un premier guide [Gril et le Hénaff, 2010]. Il consiste à réaliser un certain nombre d’observations de terrain concernant la bande tampon, la berge sur laquelle elle est implantée et les parcelles riveraines. Il s’effectue à pied en arpentant les rives des cours d’eau et en remontant sur les versants si nécessaire de manière à inspecter les affluents secondaires (petit chevelu hydrographique et fossés peu ou pas protégés). Il nécessite donc un certain investissement en temps (l’expérience montre que l’on parcourt environ 1 km de linéaire de cours d’eau par heure). Pour ce faire, la période hivernale est la plus propice : les conditions climatiques humides et l’absence de végétation permettent de bien observer les voies d’écoulement.

Éléments à observer

À l’aide d’une photocarte (orthophoto avec fond de carte topographique IGN au 1:5000 ou 1:10000), qui aura permis une reconnaissance préalable du terrain, les éléments à observer lors de ce diagnostic sont :

  • la présence et la largeur (perpendiculairement au sens de l’écoulement) des zones tampons, ainsi que leurs variations éventuelles. On considère qu’une zone tampon est présente si elle mesure au moins un mètre de large à partir du haut de la berge ;
  • la topographie de la zone tampon et de la parcelle amont ainsi que le profil du cours d’eau : les limites de berges, leur forme, la pente et ses variations ;
  • l’occupation du sol, à savoir le type de végétation de la zone tampon (herbacée, arbustive ou arborée, plantes hygrophiles indicatrices d’humidité) et le type de culture de la parcelle amont ;
  • les caractéristiques hydriques du sol comme la battance, l’hydromorphie, les traces d’érosion…
  • les voies de concentration et les courts-circuits comme les dérayures, les traces de roues et ornières, les réseaux de drainages, les buses bétonnées...

Toutes ces informations sont autant d’indications sur la nature des écoulements en provenance des parcelles agricoles et sur l’efficacité des zones tampons qui en résulte. 

Pour rappel :  les facteurs limitant l’efficacité de ce type de dispositifs sont ceux qui :

  • limitent l’infiltration des flux entrants : perte de perméabilité par tassement, saturation plus ou moins temporaire du sol (liée en grande partie à la proximité de la nappe d’accompagnement du cours d’eau) ;
  • engendrent une concentration des écoulements que la zone tampon ne parvient pas à atténuer correctement, soit en raison d’une trop faible largeur ou d’un mauvais entretien, soit en présence de courts-circuits.

Restitution

À l’issue de ce diagnostic, l’ensemble des observations est restitué au propre sur une carte (et idéalement reporté dans un SIG). Cette restitution servira dans un second temps de document de travail pour formuler des préconisations visant à améliorer l’efficacité de l’existant ou y apporter des compléments.

Préconisation pour l’implantation de zones tampons complémentaires

Cette seconde étape du diagnostic doit déboucher sur un certain nombre de propositions concrètes. Elle relève cette fois de l’ingénierie rurale et demande par conséquent un certain nombre de compétences en la matière (agronomie, pédologie, hydrologie et hydraulique rurale).

Le document cartographique issu de la phase de terrain est analysé pour déterminer les zones où les bandes tampons rivulaires sont insuffisantes (voire absentes) ou si elles peuvent être simplement réaménagées pour assurer une protection plus efficace du cours d’eau. Dans ce dernier cas, les solutions sont :

  • l’augmentation de la largeur du dispositif (éventuellement on vérifiera au préalable si la largeur est suffisante en l’état, à l’aide des outils de dimensionnement appropriés) ;
  • un bon entretien pour densifier et homogénéiser le couvert ou encore éviter la formation d’un bourrelet de terre ;
  • l’effacement des courts-circuits mineurs au niveau de la bande tampon et des voies de concentration des écoulements dans la parcelle (traces de roue, dérayure…) par un travail du sol approprié ;
  • l’aménagement d’un ouvrage dispersif rustique (fascine par exemple) à l’interface entre la parcelle et la bande tampon.

Situations d'efficacité limitée

Si elles font office, dans tous les cas, de Zone Non traitée et possèdent à ce titre un intérêt non négligeable, les bandes tampons rivulaires peuvent s’avérer d’une efficacité limitée pour l’atténuation des transferts hydriques de contaminants. Ce sera notamment le cas :

  • en présence de fossés et petits affluents mal protégés (courts-circuits hydrauliques entre les parcelles amont et le cours d’eau) ;
  • parce qu’en bas de versant le degré de concentration des écoulements et le risque de saturation est maximal ;
  • parce que le ruissellement infiltré rejoint rapidement le cours d’eau.

Le diagnostic doit alors permettre de déterminer quels sont les aménagements complémentaires pouvant être envisagés plus haut dans le bassin versant, au plus près des parcelles émettrices et selon la problématique mise en cause dans la contamination des milieux aquatiques (type(s) de transfert(s) et de contaminant(s)).

La saturation des sols en bas de versants : cause fréquente de perte d’efficacité des bandes enherbées rivulaires pour l’atténuation des transferts de contaminants par ruissellement.

Arbre d’aide à la décision

Pour ce faire, le second guide publié par IRSTEA [Gril et al. 2010] propose un arbre d’aide à la décision permettant de guider l’utilisateur vers le type de zone tampon le plus adapté au contexte, en fonction de critères relevés à l’échelle de la parcelle ou d’un groupe de parcelles (topographie, pratiques culturales, caractéristiques des sols…). Cette étape pourra déboucher sur un ensemble de pré-propositions.

À partir des différents scénarios proposés, il convient alors de déterminer quelles sont les opportunités offertes par le territoire (espaces interstitiels préexistants, zones à faible intérêt agronomique ou en déprise agricole…) pour placer au mieux les aménagements complémentaires tout en tenant compte des contraintes réglementaires, des contraintes de faisabilité technique (emprise foncière, pédologie et topographie favorable, accès…) et socio-économique (coûts, acceptabilité, contraintes d’entretien et de gestion…) mais aussi des éventuels bénéfices supplémentaires apportés (agrément paysagé, consolidation de la trame verte et préservation de la biodiversité, valorisation de la biomasse, réserve de substitution pour l’irrigation…).

Cette phase de réflexion doit être menée collectivement en Copil en associant évidemment les agriculteurs concernés pour parvenir à définir un projet d’aménagement partagé. À ce stade, l’articulation entre le diagnostic et l’implantation proprement dite est alors déjà largement engagée, puisque le scénario d’aménagement retenu doit tenir compte, au moins approximativement, des règles de dimensionnement et de conception propres à chaque type de dispositif.

Exemple d’aménagement de zones tampons dans un versant à forte dominante agricole : une diversité de solutions peuvent être proposées pour répondre aux différentes problématiques rencontrées