Écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes)
L’écrevisse à pattes blanches est une espèce menacée de crustacé de milieux aquatiques d'eau douce de surface. Elle nécessite des conditions particulières : eau permanente avec une très bonne qualité d’eau et d’habitat.
Nom
Classification : Arthropoda / Malacostraca / Decapoda / Astacidae |
Statuts de conservation (liste rouge UICN) Statut réglementaire : espèce protégée |
Habitat
Une espèce sensible à qualité et aux perturbations des milieux aquatiques
L’écrevisse à pattes blanches est un crustacé des eaux douces de surface permanentes. Elle vit dans des milieux assez variés mais possédant une très bonne qualité d’eau et d’habitat : cours d’eau, lacs, étangs, anciennes carrières et autres réservoirs pérennes.
L’abondance et la distribution de l’espèce au niveau local s'explique principalement par les éléments physiques de l’habitat, et en particulier la disponibilité en abris. Un bon état des berges et un faible degré d’anthropisation des milieux riverains sont également importants.
Certains paramètres physico-chimiques sur la qualité de l’eau semblent limitants, et certaines études définissent des seuils létaux pour l’espèce :
- le pH optimal est compris entre 6,8 et 8,6,
- la tolérance thermique s’élève à un maximum de 22°C,
- la limite létale pour la concentration minimale en calcium est 2,7 mg/L.
Actuellement en France, l’espèce est essentiellement rencontrée en tête de bassin, sur des habitats exempts de perturbations.
Milieux particuliers à l’espèce bénéficiant de mesures de protection
Sites d'alimentation
L'Écrevisse à pattes blanches sélectionne les zones à substrats fin et litière. Les individus les plus grands évitent les zones peu profondes. Ils préfèrent les vasques et autres réservoirs avec de nombreux débris végétaux.
Sites de reproduction
La présence d’une ripisylve avec ses formations racinaires descendant dans l’eau, associée à des berges verticales, assurent protection et nourriture aux écrevisses. Ces zones marginales constituent un lieu privilégié pour le développement des jeunes, dont la croissance dépend aussi de la température de l'eau, l'idéal étant entre 15 et 18°C.
Aire de repos
L’espèce recherche la présence d’abris variés au fond de l’eau et au niveau des berges : fonds caillouteux, blocs et rochers, présence d’herbiers, sous-berges avec racines, cavités….
Elle s'y dissimule et s’abrite pendant ses périodes de repos, et pendant les périodes de mue, à savoir principalement la journée et en hiver.
Types d'habitat associés
- Typologie Eunis : C1.1 - Lacs, étangs et mares oligotrophes permanents / C.1.2 - Lacs, étangs et mares mesotrophes permanents / C 2.1 - Sources, ruisseaux de sources et geysers / C 2.2 - Cours d’eau permanents non soumis aux marées, à écoulement turbulent et rapide / 2.3 - Cours d’eau permanents non soumis aux marées, à débit régulier
- Corine Biotope : 22.11 - Eaux oligotrophes pauvres en calcaire / 22.12 - Eaux mésotrophes / 54.1 - Sources / 24.1 - Lits des rivières.
Cycle de vie (alimentation, reproduction, paramètres démographiques...)
Alimentation : espèce omnivore
L'écrevisse à pattes blanches sélectionne les zones à substrats fin et litière pour consommer différents types de nourriture, elle est omnivore : végétaux, invertébrés, cadavres de poissons...
Reproduction
- Début du cycle de reproduction en automne, déclenché par 2 facteurs : le baisse de la température de l’eau et le raccourcissement des journées.
- Éclosion au printemps, en avril-mai, la durée d’incubation dépendant elle aussi de la température de l’eau.
- Naissance de 30 à 60 juvéniles par an.
- Taille de maturité sexuelle : de l'ordre de 5 et 6 cm pour un âge de 3 à 4 ans.
- Température idéale pour la croissance : entre 15 et 18°C, d'où une période de mue entre juin et octobre, l’espèce ne tolérant que de faibles variations de température (espèce sténotherme).
Comportement (mode de vie, déplacement, domaine vital...)
Domaine vital
Une population colonise généralement une à plusieurs centaines de mètres de cours d’eau (voire plusieurs kilomètres).
Déplacements
Majoritairement sédentaire, l'écrevisse à pattes blanches effectue de faibles déplacements (200 m en moyenne).
Des mouvements migratoires ponctuels sont toutefois observés (jusqu’à 3 000 m) en cas de repeuplement.
Interactions écologiques et anthropiques
Facteurs limitant le déplacement ou la présence de l'espèce
Peut devenir un obstacle tout ouvrage ou aménagement à l’origine d’assèchements ou de phénomènes cumulés de faibles débits, entraînant l’élévation des températures d’eau et un déficit en oxygène :
- corrections de cours d’eau,
- seuils,
- canalisations,
- prises d'eau,
- grilles,
- barrages,
- rampes,
- écluses…
Répartition géographique et situation de l'espèce
Réglementation
Statut juridique
- Statut commerce international : aucun statut - Convention Cites
- Statut européen : espèce protégée - annexe III – Convention de Berne
- Statut communautaire (UE) : espèce dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales de conservation – annexe II et V – Directive Habitats-Faune-Flore
- Statut national : espèce protégée – Arrêté du 21 juillet 1983 (protection de écrevisses autochtones) et arrêté du 6 janvier 2020 (espèces à la protection desquelles il ne peut être dérogé qu'après avis du Conseil national de la protection de la nature)
Réglementation : précisions
Textes nationaux
Arrêté du 21 juillet 1983 (modifié par Arrêté du 18 janvier 2000) : article 1.
L'arrêté concernant l’Écrevisse à pattes blanches interdit toute intervention sur les milieux particuliers à l'espèce et notamment tout type de travaux susceptibles de les altérer ou de les dégrader.
Article L432-3 du code de l'Environnement
Le fait de détruire les frayères ou les zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole est puni de 20 000 euros d'amende, à moins qu'il ne résulte d'une autorisation ou d'une déclaration dont les prescriptions ont été respectées ou de travaux d'urgence exécutés en vue de prévenir un danger grave et imminent (les modalités d'identification des frayères ou les zones de croissance ou d'alimentation sont précisées aux articles R432-1 à R432-1-5). Liste des espèces de poissons et de crustacés et la granulométrie caractéristique des frayères en application de l'article R. 432-1 du code de l'environnement.
Union européenne
Directive « Habitats, faune, flore » : annexes II & V
L’Écrevisse à pattes blanches est une espèce d’intérêt communautaire dont le prélèvement dans la nature et l’exploitation sont susceptibles de faire l’objet de mesures de gestion (annexe V) et qui doit être prise en compte dans les évaluations des incidences des sites Natura 2000 désignés pour l’espèce (annexe II).
Observation, étude et gestion
Méthodes de détection
L'intérêt de l'ADN environnemental
Afin de pallier aux contraintes des méthodes traditionnelles d’inventaires des écrevisses, le recours à la méthode de l'ADN environnemental est de plus en plus expérimenté.
À lire sur ce site : L’ADN environnemental : une technique innovante pour l’étude de la biodiversité
Prospection par observation ou capture
L’espèce est plus active en été qu’en hiver, avec un pic d’activité des individus matures en automne, période de reproduction de l’espèce. Les prospections doivent être préférentiellement conduites de nuit avec une lampe, lorsque les individus sont à la recherche de nourriture et que la détectabilité est maximale (débit faible). Pour les cours d’eau profonds, l’utilisation de nasses appâtées est privilégiée.
Les activités de prospection et d’échantillonnage représentent un risque majeur de disparition pour les populations concernées (notamment par la transmission de pathologies). Certaines précautions sont nécessaires :
- procéder à la désinfection des matériels utilisés lors des prospections (bottes, waders, nasses…) afin de limiter le risque de contamination par l'aphanomycose, notamment lors du passage d'un site à l'autre,
- éviter le piétinement dans le cours d'eau par les opérateurs et préférer des comptages depuis la berge, sans manipulation des animaux,
- privilégier la période estivale pour les prospections (juillet, août, septembre),
- limiter l'utilisation de la pêche à l'électricité (peu efficace sur les écrevisses) pour les études de population ou les prospections.
Gestion : à savoir pour tout projet impactant les milieux concernés
- Se renseigner auprès des organismes scientifiques et techniques compétents (établissements publics, associations locales, fédération de pêche, associations naturalistes, bureaux d’études)
- Se rapprocher des services de l'État instructeurs de votre région (services chargés de l'environnement au sein des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DRIEE en Île de France) ou au sein des directions départementales des territoires).
Informations complémentaires et références
Informations complémentaires
- Ministère de l'écologie, du Développement durable et de l’Énergie, 2012, Guide "espèces protégées, aménagements et infrastructures". 65p.
- Évaluation des incidences sur les sites Natura 2000, Centre de ressources Natura 2000.
- Plan d’action écrevisses Suisse – Programme de conservation de l’Écrevisse à pattes rouges, de l’Écrevisse à pattes blanches et de l’Écrevisse des torrents. 2011
- Comment réduire l’impact de l’exploitation forestière et des travaux mécanisés sur le réseau hydrographique ? Le schéma de desserte et d’exploitabilité « orienté eau ». 2007. Auge Vincent. Office national de forêts
- Études préalables à la réintroduction de l’Écrevisse à pieds blancs, Austropotamobius pallipes, par transfert de populations. 2006. AERMC, Universiteé Franche Comté, Parc naturel régional du Morvan.
- Management and conservation of crayfish – Proceedings of a conference held on 7th November 2002 at the Nottingham Forest Football Club, Nottingham, GB. 2003
- Capacités de déplacements et utilisation des habitats de l’Écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes, Lereboullet, 1858) : Etude in natura par radiotélémètrie.
- Peay, S. (2000). Mitigation for the white-clawed crayfish during engineering works. In: Crayfish Conference Leeds (eds D. Rogers & J. Brickland), pp. 51-61. Environmental Agency, Leeds.
- Fiches espèce, Cahiers d’habitats Natura 2000. Tome 7 (INPN)
Autres espèces protégées possédant des habitats similaires (INPN)
- Écrevisse à pattes rouges, Astacus astacus (Linnaeus, 1758)
- Écrevisse des torrents, Austropotamobius torrentium (Shrank, 1803)
Bibliographie
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