Tourterelle des bois (Streptopelia turtur)
La Tourterelle des bois cumule les exceptions : elle est le plus petit colombidé d'Europe, et le seul migrateur strict c'est-à-dire sans aucune population sédentaire. C'est aussi le seul colombidé traversant le Sahara lors de sa migration !
Nom
Classification : Aves/ Columbiforme/ Columbidae/ Columbinae 4 sous-espèces : S. turtur turtur, S. t. arenicola, S. t. hoggara, S. t. rufescens |
Statuts de conservation (liste rouge UICN) :
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Poids
- Adultes : 150 g, avec une forte variabilité relevée au cours du cycle annuel, en particulier lors de la phase d’engraissement pré-migratoire (certains oiseaux peuvent atteindre 200 g).
- Juvéniles : 125 g
Taille
- Taille moyenne : 28 cm
- Envergure : 50 à 52 cm
Plumage (adulte) : la tête et le cou sont gris, la gorge nuancée de rose, le dos est brun-gris, le ventre blanc ainsi que les sous caudales, lesquelles contrastent au vol avec le dessous des ailes gris bleu. Les couvertures alaires sont noires bordées d’un large liseré marron, donnant un aspect d’écailles de tortues d’où l’origine de son nom. Un damier noir et blanc est présent sur chaque côté du cou. Le bec est noir, les pattes rouge framboise, l’iris rouge orangé et le cercle orbital rouge (plus marqué chez le mâle).
Distinction de sexe : le dimorphisme sexuel est très faible, le plumage est quasi identique pour les deux sexes. L’iris de l’œil, rouge orangé avec un cercle orbital rouge plus marqué chez le mâle.
Comme chez les autres colombidés, les mâles sont légèrement plus grands que les femelles, mais avec un chevauchement de taille non négligeable : par exemple la longueur de l’aile pliée, est en moyenne de 179 mm (174 - 185) chez les mâles et 172 (167 - 177) chez les femelles.
Distinction d'âge : les juvéniles se reconnaissent par l’absence de damier sur le cou, une couleur générale plus brune (marron), l’absence de lisérés bien délimités sur les couvertures alaires et les bordures des rémiges primaires plus claires, allant selon les individus d’une teinte rousse à crème.
Confusions possibles : il est facile de différencier la Tourterelle des bois des autres colombidés présents en France. Cette espèce est nettement plus petite que les pigeons et se distingue assez facilement de sa proche parente la Tourterelle turque (Streptopelia decaocto), de par son vol plus rapide et plus svelte, et le fort contraste entre le ventre blanc et les sous alaires à dominante grise. Enfin, en période de reproduction, le chant de la tourterelle des bois est typique, la strophe de base étant un « crrrouou » doux et roulé répété de 2 à 6 fois, tandis que le chant de la Tourterelle turque est un « koukouh kou » sonore, souvent répété. De plus, en hiver la tourterelle des bois hiverne en Afrique et ne peut donc pas, sauf cas exceptionnel, être observée en Europe.
Habitat
La Tourterelle des bois affectionne les paysages semi-ouverts, riches en bois, en bosquets, en buissons, en ripisylves et en haies en bordure de zones cultivées, lesquelles lui sont propices à la fois pour la nidification et l’alimentation. Elle préfère les secteurs ensoleillés de plaine.
Sa répartition en Europe est liée à l’isotherme de 16° C minimum en juillet (19°C en Grande-Bretagne). Elle nidifie, en général, en altitude au-dessous de 500 m et exceptionnellement sur des versants bien exposés jusqu’à 1 000 m, cependant elle peut se rencontrer jusqu’à 1500 m dans les Alpes du Sud sur des versants ensoleillés.
Cycle de vie (alimentation, reproduction, paramètres démographiques...)
Régime alimentaire : granivore strict
Adulte
Tout au long de son cycle annuel : elle se nourrit à découvert, sur le sol en général. Elle consomme aussi bien des graines cultivées (en période de reproduction les céréales, en hivernage le riz, le sorgho et le millet) que des graines adventices (le Fumeterre officinal, le Mouron des oiseaux, le Lin, l’Ortie brûlante, la Renoncule rampante, le pin maritime pendant la migration et les riz sauvages pendant l’hivernage en Afrique).
Au printemps, les oiseaux peuvent s’alimenter en nombre relativement élevé (plusieurs dizaines) sur les silos de stockage des coopératives. À partir de fin juin et jusqu’à la fin de la saison de reproduction, après les moissons, les oiseaux vont s’alimenter préférentiellement sur les chaumes, et les champs de tournesol juste avant la migration, leur permettant de constituer les réserves de graisse nécessaires au bon déroulement de la migration.
Le développement de l’agriculture moderne a toutefois impacté son régime alimentaire : au Royaume-Uni, la part des graines d’adventices est passé de 86% en 1964 à 24% en 1997.
Son régime granivore lui impose de boire quotidiennement afin de faciliter le malaxage des graines dans le gésier, ce qui oblige l’espèce à toujours se trouver non loin de points d’eau.
Poussin
En période d’élevage des jeunes, la tourterelle peut complémenter leur apport de nourriture en protéines avec des proies animales invertébrées (vers, mollusques, insectes…).
Reproduction et paramètres démographiques
Maturité sexuelle : l’espèce est monogame. La maturité sexuelle est atteinte pour les deux sexes dès la première année.
Ponte : deux à trois pontes de 2 œufs de mai à juillet. En France, le succès reproducteur moyen a été évalué à 54% (37-66%) entre 2001 et 2014.
Couvée et éclosion : les nids sont le plus souvent installés dans des haies (aubépine, prunelier, sureau noir, cornouiller) ou dans les lisières des zones boisées, à environ 2 m du sol et fréquemment entourés de lianes (ronce, chèvrefeuille, clématite, lierre…).
Survie
- Taux annuel moyen des adultes : 59% (53,1%-66,3%)
- Taux annuel moyen des juvéniles (oiseaux d’un an) : 31.1% (intervalle de confiance à 95% : 16,9-52%). Un mois après le départ du nid, la survie juvénile post envol est estimée à seulement 42%.
Longévité : à la fin des années 2010, elle était estimée à un peu plus de 13 ans.
Comportement (mode de vie, déplacement, domaine vital...)
Une espèce migratrice
La tourterelle des bois est le seul Colombidé migrateur strict (aucune population sédentaire) en Europe et le seul représentant européen de cette famille qui entreprend une migration transsaharienne pour rejoindre ses quartiers d’hivernage dans la bande sahélienne au sud du Sahara. Les populations d’Europe occidentale se répartissent en hiver sur le Sénégal, la Gambie, le sud de la Mauritanie et du Mali, le Niger et le Burkina Faso.
La migration prénuptiale en France commence de façon significative lors de la dernière décade d’avril, pour atteindre son paroxysme lors des deux premières décades de mai et se terminer pendant la deuxième décade de juin.
La migration postnuptiale débute en France courant août pour atteindre son maximum d’intensité fin août/début septembre (du 15 août au 15 septembre) ; les derniers oiseaux, souvent des jeunes nés tardivement, étant observés début octobre.
Les déplacements migratoires ont lieu essentiellement la nuit. Pour la plupart de la population française, la migration se fait suivant un axe orienté vers le sud-ouest, cependant les oiseaux situés dans le quart sud-est du territoire semblent privilégier en automne une voie migratoire plus à l’est en direction de l’Algérie, en passant par les îles Baléares, voire en traversant d’une traite la mer Méditerranée.
Répartition géographique et situation de l'espèce
Distribution mondiale
Des 4 sous-espèces de Tourterelle des bois décrites, la sous-espèce nominale occupe pendant la reproduction tout le paléarctique occidental, du Portugal à l’est de l’Oural, et du 35e au 65e parallèle Nord. L’aire de répartition est vaste et plus importante en latitude sur la partie orientale.
L’aire d’hivernage s’étend en Afrique entre le 10e et le 20e parallèle Nord et correspond à la zone sahélo-soudanienne qui s’étend du Sénégal à l’Ouest jusqu’en Éthiopie à l’Est.
Répartition en France
Cette espèce est présente sur une large partie du territoire national en étant cependant plutôt associée aux habitats agricoles et en évitant les grandes zones urbaines. Les résultats obtenus par le réseau « oiseaux de passage » apportent une information complémentaire aux atlas ornithologiques en montrant l’importance du Centre-Ouest et de la région Midi-Pyrénées pour la reproduction de cette espèce en France.
Cartes de répartition de l'espèce sur le site de l'INPN
Évolution
L’espèce montre un déclin spectaculaire de sa population européenne, estimée à - 82% entre 1980 et 2019.
Au Royaume-Uni, ce déclin atteint -98% entre 1967 et 2018, l’espèce étant considérée localement à très fort risque d’extinction dans les 20 prochaines années.
En France, son déclin est évalué à -51% entre 2001 et 2019 par le réseau STOC (CRBPO-MNHN) et à -33% entre 1996 et 2019 par le réseau « oiseaux de passage ».
Effectifs
- Population européenne : entre 3 et 13,2 millions de couples. Cette large fourchette est due aux grandes imprécisions concernant la Russie et la Turquie. Sans ces deux pays, l’estimation est de 1,9 à 3,2 millions de couples reproducteurs dont 1,3 à 1,9 millions pour l’Union européenne.
- Population française (2009) : 436 899 couples (fourchette selon l’intervalle de confiance à 95% : 396 985 - 481 007).
Réglementation
International
L’espèce est en annexe III de la convention de Berne.
Union européenne
Streptopelia turtur est classée en annexe II/2 B de la Directive Oiseaux (2009/147/EC). Elle est chassable dans 10 pays européens, toutefois sa chasse a été suspendue en France (depuis 2020) et en Espagne (depuis 2021).
Observation, étude et gestion
Pressions sur l’espèce
- Pertes ou dégradations d’habitat de nidification et d’alimentation (pratiques agricoles : remembrements, herbicides), principal facteur contribuant à la diminution des effectifs nicheurs en Europe de l’Ouest;
- Événements météo dits extrêmes (sècheresses dans l’aire d’hivernage, tempête, orage dans l’aire de nidification);
- Prélèvements excessifs via la chasse légale (il se prélèverait au minimum entre 1,4 à 2,2 million d’oiseaux sur son aire de distribution);
- Prédation (corvidés, rapaces, mustélidés, rongeurs);
- Compétition interspécifique (la compétition avec la Tourterelle turque Streptopelia decaocto n’est pas démontrée);
- Pathologie (mortalités due à la trichomonose);
- Dérangement (lors de la nidification).
Mesures de gestion
Gestion de l’habitat : encourager les pratiques sylvicoles et agricoles favorables au maintien des habitats de reproduction de l’espèce (haies, lisières, arbres morts) et à l’amélioration des potentialités alimentaires (favoriser l’installation de plantes adventices, maintien des chaumes de céréales après moisson et des points d’eau).
Gestion des populations : améliorer la connaissance (suivi annuel) et le contrôle des prélèvements à la chasse dans un cadre de gestion adaptative.
Études menées à l'OFB
Programme Colombidés
Un suivi des Colombidés est mené depuis 2019 au niveau national dans le cadre du programme d'étude dédié à 4 espèces : campagne de baguage et recaptures d’oiseaux bagués, suivi de la reproduction. Les résultats sont mis en perspective avec ceux des années précédentes. D'autres études plus spécifiques liées au programme sont aussi présentées, telles que le suivi des déplacements par voie satellitaire, les analyses isotopiques ou les études des tableaux de chasse.
Suivre les tourterelles des bois tout au long de leur migration pour mieux comprendre les causes de leur déclin
Les effectifs de tourterelles des bois ont fortement diminué en Europe, au point que l’espèce a été classée « vulnérable » par l’UICN en 2015, et sa chasse suspendue en France à partir de 2020. Dans le cadre du programme dédié aux colombidés piloté par l’OFB, une trentaine de tourterelles ont été équipées de balises Argos solaires dans le but de suivre précisément leur trajet migratoire et d’identifier les facteurs qui pourraient contribuer à ce déclin.
Informations complémentaires et références
Références
- Christophe Sauser, Loïc Commagnac, Cyril Eraud, Matthieu Guillemain, Sophie Morin, Thibaut Powolny, Alexandre Villers, Hervé Lormée, 2022. Habitats, agricultural practices, and population dynamics of a threatened species: The European turtle dove in France, Biological Conservation, Volume 274.
- Powolny T., Guillemain M. & Lormée H. (coord.) 2021. – Plan national de gestion en faveur de la Tourterelle des bois (Streptopelia turtur) 2021 – 2026. OFB - Ministère de la Transition écologique : 152 p.
- Villers A. & Eraud C. 2020. Suivi des populations nicheuses (1996-2019) et hivernantes (2000-2019). Réseau national d’observation « Oiseaux de passage », OFB-FNC-FDC, Rapport interne OFB, Novembre 2020, 22 p.
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- Lormée H., Barbraud C., Peah W., Carboneras C., Lebreton JD., Moreno‐Zarate L., Bacon L. & Eraud C. 2019. Assessing the sustainability of harvest of the European Turtle Dove along the European western flyway. Bird Conservation International, 1-16.
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