Sources et flux de polluants des eaux
La connaissance des sources de micropolluants, issus des activités humaines, et des flux polluants associés sont indispensables pour évaluer et hiérarchiser les risques d'impact toxique sur les milieux.
De nombreuses données ont été acquises au sein de plusieurs projets de recherche récents, tant en matière de pollutions diffuses que de pollutions concentrées au sein des territoires urbanisés.
Cartographies de la pollution des eaux en ville
Une synthèse bibliographique de connaissances récentes sur la compositiondes différentes eaux urbaines est proposée au sein de l'ouvrage Arceau-AFB "Que sait-on des micropolluants dans les eaux urbaines ?"
La plupart des projets du dispositif Micropolluants des eaux urbaines complètent ces éléments. Ils se sont attachés à des prospections sur le terrain de contaminants émergents, à des fins de diagnostic des rejets en réseaux d'assainissement et de leurs milieux récepteurs.
Le projet Regard(Bordeaux) utilise une démarche "multisources" (domestique, industrielle, hôpital, pluvial, services de la collectivité).
- Synthèse opérationnelle présentant le bilan du diagnostic territorial mené sur le territoire de Bordeaux métropole
- Documentation précise sur les résultats obtenus, y compris concernant de nombreux contaminants émergents :
Le projet strasbourgeois LumiEau-Stra intègre pour sa part un inventaire sectorisé des émissions de micropolluants vers le réseau des eaux urbaines sur le territoire de l'Eurométropole.Cet inventaire présente 3 parties principales détaillant les modalités d’estimation respectivement des émissions associées aux activités économiques (industrielles et artisanales), des rejets domestiques et des émissions pluviales. Il consigne également une base de coefficients d'émissions pour ces activités, transférable sur d'autres territoires. Le volet "émissions des activités économiques" y est détaillé dans un tableau spécifique.
Le projet Rempar a également exploré de façon poussée les pollutions transitant sur les versants urbains et agricoles, influençant la qualité des eaux du bassin d'Arcachon. Des résultats très complets ont ainsi pu être acquis concernant des contaminants organiques (médicaments, hormones, pesticides, parabènes et biocides, filtres UV) et métalliques véhiculés dans les eaux usées, depuis les prises d'eaux jusqu'aux exutoires en mer.
De l'habitation au cours d'eau : le projet parisien Cosmeteau décrit l'évolution de la composition des eaux depuis le foyer jusqu'à la Seine, en passant par tous les compartiments du réseau d'assainissement. Ceci sur des molécules issues de produits de consommation courants, tels les parabènes.
Enfin, le projet martiniquais Seneur aura décrit de façon inédite le transfert par les eaux usées de résidus de drogues illicites, ainsi que de certains médicaments, au travers de divers rejets urbains émanant d'établissement publics ou collectifs (hôpitaux, lycées, prison...) et de divers émissaires et rivières se déversant dans la Biie de Fort-de-France.
Composition des eaux pluviales urbaines
Plusieurs projets du dispositif Micropolluants des eaux urbaines ont pu livrer de nouveaux résultats et des synthèses sur la caractérisation chimique des eaux pluviales urbaines.
C'est le cas des projets Regard et LumiEau-Stra (cf. Cartographies de la pollution des eaux en ville), mais aussi de Rempar qui a permis de mieux renseigner les typologies et les flux de micropolluants associés aux eaux pluviales se déversant dans le bassin d'Arcachon.
Des éléments complémentaires sur la composition des eaux de ruissellement, et sur les sources de pollutions des eaux de voiries ont également été présentés récemment à l'occasion de la restitution conjointe des 3 projets Roulepur (Paris), Matrischkas (Nantes) et Micromégas (Lyon).
A voir notamment:
Projet Roulépur: Etat de l’art sur la contamination en micropolluants des eaux de ruissellement de voirie et parking
Projet Roulépur: Rapport de synthèse sur la contamination en micropolluants des eaux de voirie/parking
Projet Micromégas: Source des micropolluants suivis
A voir aussi: Un sujet émergent récemment exploré concerne le lessivage des résidus de produits biocides à partir des surfaces urbaines et des constructions: voir les travaux du LEESU à ce sujet.
Ces projets se sont par ailleurs attachés à évaluer l'efficacité de divers types d'ouvrages de gestion des eaux pluviales au regard des micropolluants (cf.Micropolluants urbains : quelles actions possibles ? sur la page Gestion des pollutions urbaines).
Composition de certains rejets domestiques ou professionnels
En complément des connaissances apportées sur l'ensemble des usages urbains des micropolluants (cf. Cartographies des pollutions en ville), d'autres projets sont axés sur des usages plus spécifiques de produits polluants et les rejets associés.
Usages domestiques
Le questionnement sur la contribution effective des activités domestiques à la contamination des milieux par les micropolluants est assez récent. Seule la toxicité des rejets aqueux de certains établissements industriels est encadrée réglementairement. Il n’existe pas de disposition équivalentes pour les rejets domestiques.
De la même façon, la liste des substances à suivre dans les rejets des stations d’épuration au titre des opérations de Recherche des substances dangereuses pour l'environnement (RSDE) traite essentiellement de molécules d’origines industrielles, et n’est pas orientée sur la révélation de composés en usage à la maison (cosmétiques, médicaments, détergents, biocides...). Toutefois les études récentes confirment l’intuition empirique que la part des rejets ménagers dans les micropolluants rejetés en aval des agglomérations est souvent prépondérante en termes de flux.
Le projet Cosmet'Eau (Paris) est focalisé sur les usages domestiques :
- en particulier sur les résidus de cosmétiques avec l'Estimation des sources, des flux et des impacts des conservateurs de produits cosmétiques dans le milieu récepteur (août 2019),
- de façon plus globale, en permettant de mieux apprécier l'importance des émissions d’origine domestique dans les réseaux d’assainissement urbains (mai 2019) pour des molécules comme less alkylphénols, phtalates et parabènes.
Activités de santé
Plusieurs projets ont fourni des précisions importantes concernant les rejets de micropolluants par les établissements de soin, mettant en regard ces émissions avec celles issues des activités domestiques.
Biotech, Poitiers - Identification des principaux émetteurs de biocides dans le système de collecte et évaluation de la contribution du CHU à l’échelle de l’Agglomération (juillet 2016)
Rempar, Arcachon - Les effluents du Pôle de Santé d’Arcachon : profil en médicaments, tensioactifs et biocides – Comparaison avec les effluents urbains. (Voir aussi le résumé)
Rilact, Annemasse
- Évaluation de la contamination des rejets urbains et des établissements de soins par les détergents et biodicdes (oct 2017)
- Résidus de médicaments, métabolites et produits de dégradation : synthèse des résultats des campagnes de mesures au pas de temps horaire en entrée de station d’épuration (nov 2016)
- Métrologie et modélisation des flux horaires et journaliers de médicaments en entrée de station d'épuration à l'aval d'un bassin versant urbain et d'un hôpital (nov 2018)
Activités de l'artisanat
LumiEau-Stra (Strasbourg) a apporté des éléments qualitatifs et quantitatifs sur certains micropolluants associés aux produits en usage dans divers métiers de l'artisanat.
- Coiffure
- Peinture en bâtiment
- Mécanique automobile
- Menuiserie
Quelles activités humaines sont émettrices de substances DCE ?
Des fiches technico-économiques sur les sources et usages de nombreux polluants, réalisées et actualisées par l’Ineris, sont disponibles sur le Portail Substances (Ineris).
Dans le cadre du projet bordelais Regard, un état des lieux des micropolluants réglementés issus des divers secteurs industriels a été élaboré.
De façon plus spécifique, les alkylphénols sont une famille de molécules issues des résidus de divers produits d’usage courant. Leur utilisation est aujourd’hui largement restreinte dans le cadre européen, mais ils sont encore fréquemment détectés dans les milieux. Ce sont des substances prioritaires DCE. Leurs émissions vers l’eau doivent pour certaines être éliminées à l’horizon 2021 (cas des nonylphénols). Des études spécifiques relatives aux sources résiduelles d’alkylphénols ont été menées en 2015 par l’Ineris.
Une autre famille problématique concerne les Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) :
- bilan méthodes d’identification des sources applicables au domaine de l’eau (Ineris, 2014)
- étude des relations entre les teneurs atmosphériques et les teneurs en eaux de surface pour les HAP (Ineris, 2012).
Lien utile: téléchargez la matrice Polluants/Activités de l'Ineris (.xls) - 2016
A noter aussi, cette fois sur le volet analytique, un état des lieux des connaissances sur la caractérisation des signatures isotopiques des nitrates, phosphates, plomb, zinc, cuivre et nickel, selon leur source (origine) et la conservation ou non de cette signature lors du transfert dans l’environnement ou suite à des actions anthropiques est proposé par Aquaref (2018). Ces approches isotopiques sont à réserver à des études approfondies sur des secteurs où des problématiques spécifiques ont été identifiées.
Flux rejetés et pressions de pollution sur les milieux (outils DCE)
Réalisation des inventaires d'émissions au titre de la DCE
Le Guide pour la réalisation d’inventaires des rejets, émissions et pertes de polluants prioritaires vers les eaux de surface (2017, Ineris) contribue à répondre à la directive 2008/105/CE (dite "fille" de la DCE) qui les impose afin de pouvoir quantifier les diminutions de rejets. 2 exemples de mise en oeuvre sont disponibles :
- un retour d'expérience au niveau français de cette méthodologie d'inventaire (2018, Ineris)
- un inventaire des rejets en appui à la l’élaboration des programmes de mesures dans une étude pilote (2015, Ineris) en accentuant l’effort sur des pollutions diffuses d’origines non agricoles, pour 3 métaux (Nickel, Zinc et Cuivre).
Une étude comparative européenne porte sur les pratiques de réalisation et utilisation de ces inventaires d’émissions (OIEau, 2016).
Qualification des pressions polluantes
Une meilleure connaissance (à des échelles pertinentes) de l’impact des activités émettrices des polluants contribue à l’évaluation des risques de non atteinte des objectifs environnementaux (DCE) et à l’estimation de l’état des masses d’eau non surveillées.
Évaluation des risques liés aux pollutions diffuses d'origine agricole
Des outils d’évaluation du risque de contamination des eaux (de surface et souterraines) par les nutriments et les pesticides ont été initiés et développés par différents organismes de recherche (Inra, Irstea, BRGM, Cirad). Ces outils ont vocation à aider les agences de l’eau et Dreal en métropole, offices de l’eau et Deal dans les DOM, à caractériser les pressions et définir les zones à risque de non atteinte des objectifs environnementaux (annexe 5 de la DCE).
Lien utile: Référentiel sur les outils de la recherche pour réduire les pollutions de l’eau par les pesticides
Pressions polluantes d’origines industrielles sur les eaux souterraines
Dans le cadre de l’élaboration des futurs plans de gestion DCE, l’identification des masses d’eau souterraines susceptibles de ne pas atteindre les objectifs de bon état comprend l’évaluation des impacts potentiels des pressions polluantes s’y exerçant. Entre autres pressions, les pollutions d’origines industrielles posent des problèmes d’ordre méthodologique pour l’évaluation du risque DCE.
Pour l'état des lieux 2019, le BRGM a fait une Proposition d’approche méthodologique pour évaluer l’impact des pressions d’origine industrielle sur la qualité des eaux (2015), optimisée sur la base des données disponibles et des retours d’expérience du cycle DCE précédent.
Pressions de pollutions ponctuelles transitant par les installations de traitement des eaux usées
Une contribution très importante à la connaissance des sources de contamination procède de la mise en œuvre de l’action nationale de Recherche et de réduction des rejets de substances dangereuses (RSDE), définie dès 2002. Cette action, d’abord centrée sur les Installations industrielles classées pour la protection de l’environnement (ICPE), s’est étendue en 2010 aux stations d’épuration des eaux usées urbaines (Steu).
Les synthèses concernant les 2 types d’émetteurs (ICPE et Steu) sont disponibles sur le site RSDE de l’Ineris. Et notamment la synthède de la campagne de mesure 2011-2013 sur 760 Steu urbaines de capacité nominale supérieure à 10 000 équivalents habitants.
Le projet Regard (Bordeaux) a par ailleurs récemment apporté des données très riches sur les rejets de Steu concernant de nombreux composés émergents (pharmaceutiques, biocides, plastifiants, perfluorés, etc.).
Le projet Rempar (Arcachon) a également fourni des données complémentaires précises sur les compositions des eaux en entrée et sortie de 2 Steu du bassin.
Le projetRilact (Annemasse) a aussi apporté de nouveaux éléments chiffrés sur la pollution résiduelle en sortie d'une Steu, en particulier des détergents et biocides.
Le projet parisien Cosmet'eau a documenté avec précision le devenir des divers parabènes dans les divers étages d'une Steu.
Pour finir, le projet MicroReuse mené à La Réunion dans un contexte d'évaluation d'une solution de réutilisation des eaux usées à des fins d'irrigation, a restitué de nouveaux éléments concernant le transfert de micropolluants urbains au travers d'une Steu équipée de technologies membranaires de type micro et ultrafiltration.