Loutre d'Europe (Lutra lutra)
La Loutre d'Europe est un mammifère inféodé aux milieux aquatiques, du bord de mer jusqu’aux torrents et ruisseaux de montagne. Son habitat aquatique doit être d’une qualité suffisante pour assurer la disponibilité en proies (biomasse piscicole) et limiter les phénomènes d’accumulation d’éléments toxiques.
Noms
Classification : Mammifères / Carnivores / Mustélidés |
Statuts de conservation
|
Poids :
- mâle : 7-12 kg
- femelle : 5-8 kg
Hauteur au garrot : 30 cm maximum
Longueur totale : 1m10 à 1m30 (queue comprise de 30 à 45 cm)
Pelage : robe particulièrement dense, d’un brun intense et plus clair sur les joues, la gorge et le dessous du corps. Lèvres et menton souvent marqués de taches blanches.
Distinction mâle/femelle : mâles nettement plus imposants.
Distinction jeunes/adultes : pas d’information
À noter Les valeurs présentées dans cette fiche sont données à titre indicatif et peuvent varier en fonction des conditions climatiques, de l'altitude et de la latitude, et des caractéristiques propres à chaque population. |
Habitat
Une espèce étroitement liée aux milieux aquatiques continentaux ou littoraux
Bien que son territoire puisse s’étendre à une grande diversité d’habitats, la Loutre d’Europe reste inféodée aux milieux aquatiques. Même sur le littoral, elle est dépendante des eaux douces pour boire et pour le toilettage du pelage. De plus, la continuité des corridors fluviaux et d’une manière générale la liberté de circulation de l’espèce sont primordiales pour le maintien des populations.
Ainsi la Loutre d’Europe fréquente :
- régulièrement les fleuves, les rivières aux cours lents à rapides, les torrents ou encore les canaux,
- et également les tourbières, les lacs, les étangs, les marais intérieurs et littoraux, les côtes maritimes et les bois marécageux.
Pour l’alimentation et le repos, les loutres fréquentent également des milieux aquatiques secondaires (annexes hydrauliques des cours d’eau, bras morts et fossés…), les berges des cours d’eau, les prairies, les friches et les bois environnants ou encore les zones marécageuses plus ou moins sèches dominées par la phragmitaie.
Aires de repos : multiples et simples
Les exigences sont plus fortes concernant le gîte, appelé catiche, utilisé par la femelle pour le repos, la mise-bas et l’élevage des jeunes. La structure paysagère, et en particulier de la végétation sur les berges et les zones humides, jouent un rôle important. Elle garantit la sécurité et la tranquillité des gîtes et des zones de refuges, en particulier dans les zones très fréquentées par l’humain.
Ces gîtes peuvent se présenter sous la forme de :
- gros arbres creux, souches creuses, arbres présentant d’importants lacis de racines, ronciers, roselières denses et autres végétations buissonnantes,
- mais également terrier d’autres animaux, entre des rochers, dans des grottes, voire dans des éléments artificiels tels que tuyaux ou constructions bétonnées.
Sites de reproduction
Pour la mise bas et l’élevage des loutrons, la femelle choisit un site particulièrement calme et abrité : la catiche. Elle est parfois située relativement loin des cours d’eau afin d’éviter les risques d’inondation.
La catiche est réutilisée fidèlement d’années en années, et sur plusieurs générations.
Types d’habitats associés
- Typologie Eunis : C1 - Eaux dormantes de surface / C2 - Eaux courantes de surface / C3 - Zones littorales des eaux de surface continentales
- Corinne Biotope : 22 - Eaux douces stagnantes / 53 - Végétation de ceinture des bords des eaux
Quelle dépendance à la qualité de l'eau et des écosystèmes ?
La loutre semble pouvoir s’adapter à un certain niveau de dégradation anthropique de ses habitats : sa présence ne peut pas être considérée comme un indicateur de bonne qualité de l’eau.
Cependant, les eaux et l’habitat aquatique doivent être d’une qualité suffisante pour :
- assurer la disponibilité en proies (biomasse piscicole),
- et limiter les phénomènes d’accumulation d’éléments toxiques.
Cycle de vie (alimentation, reproduction, paramètres démographiques...)
Régime alimentaire : carnivore hautement spécialisé
La Loutre d'Europe se nourrit :
- essentiellement de poissons : 50 à 90% des proies consommées,
- mais aussi, en tant que prédateur opportuniste et donc dans des proportions variables : d’amphibiens, de crustacés, d’insectes, de mollusques, d’oiseaux et de rongeurs aquatiques (rats musqués)…
Seuil de suffisance alimentaire : environ 50 kg de masse piscicole à l’hectare, voire 100 kg/ha.
Liée à la survie des individus et au succès reproducteur, la ressource alimentaire semble être l’un des principaux facteurs limitants pour l’espèce. Ainsi, la présence de proie en diversité et en quantité suffisante est primordiale.
Reproduction : pas de saisonnalité
La reproduction des loutres peut intervenir à n’importe quelle période de l’année. Le mâle et la femelle ne se côtoient que quelques jours le temps de s'accoupler.
- Maturité sexuelle : tardive, de 2 à 3 ans
- Rut : toute l’année mais une période préférentielle de rut intervient de la fin avril à la fin juillet
- Gestation : 60 à 62 jours
- Naissance : 1-3 petits/femelle/an en une portée (exceptionnellement 4 jeunes)
- Élevage des jeunes : par la femelle pendant environ 8 mois à un an. Durant la première année, un dérangement de la femelle peut conduire à l’abandon de la portée et à la mort des jeunes.
Survie : taux de survie par classe d’âge et de sexe non connus.
Longévité : 5 ans dans la nature et record de 17 ans en captivité
Comportement (mode de vie, déplacement, domaine vital...)
Comportement social
La loutre est un animal discret et son activité en Europe de l’Ouest est principalement nocturne et crépusculaire.
Domaine vital : une espèce territoriale et solitaire
Le domaine vital s’étend le plus souvent sur au moins 10 km, parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres de rivière, comprenant généralement les affluents. La présence de plusieurs gîtes, répartis le long des berges ou à proximité, y est primordiale. La loutre les fréquente pour le repos diurne ou comme étape pendant la chasse nocturne.
Jusqu’à deux fois plus grand pour les mâles que pour les femelles, celui des mâles chevauche parfois celui d’une ou plusieurs femelles. Une famille occupe un territoire qui comprend 500 mètres à 3 kilomètres de linéaire de cours d’eau.
Sa superficie dépend entre autres de :
- la taille des cours d’eau,
- leur potentiel alimentaire,
- et la disponibilité en zones de repos.
Déplacements : des individus très mobiles
Les déplacements sont quotidiens pour la recherche de nourriture et pour l’exploration de leur domaine vital, parcourant aisément plusieurs kilomètres en une seule nuit.
Pour les phénomènes de dispersion et la recherche d’un territoire, les déplacements se font majoritairement sur les berges et dans l’eau, et peuvent atteindre des distances de plusieurs dizaines de kilomètres.
La loutre peut également se déplacer sur la terre ferme, parfois sur plusieurs kilomètres.
Communication
La Loutre d'Europe "siffle".
Interactions écologiques et anthropiques
Menaces potentielles pour la loutre
Le déclin des populations de loutres, autrefois directement lié à la chasse est aujourd’hui la conséquence :
- de la dégradation des habitats et des écosystèmes aquatiques à la suite du développement de l’industrie et de l’agriculture (pollution des eaux par les PCB et les métaux lourds), assèchement et mise en culture des zones humides, dégradation des berges)
- des collisions routières,
- du dérangement lié au tourisme et aux activités aquatiques.
Des obstacles au déplacement
Certains ouvrages et aménagements constituent un frein à la libre circulation des individus, ou entraînent une mortalité directe par collision avec les véhicules sur le réseau routier : routes, barrages, seuils de régulation des eaux…
Répartition géographique
Carte de répartition de l'espèce sur l'Observatoire national des mammifères de la SFEPM
Cartes de répartition de l'espèce sur le site de l'INPN
Réglementation
Statut réglementaire
- Statut commerce international : aucun statut - Convention CITES
- Statut européen : espèce de faune strictement protégée - annexe II – Convention de Berne
- Statut communautaire (UE) :
- application de la convention Cites sur le commerce international - annexe A
- espèce nécessitant une protection stricte – annexe II et IVDirective Habitat
- Statut national : espèce protégée – Arrêté du 23 avril 2007 et arrêté du 9 juillet 1999
Précisions sur la réglementation
La loutre est une espèce protégée depuis 1972 sur l’ensemble du territoire national.
Directive Habitats, faune, flore : annexes II & IV
La Loutre d’Europe est une espèce d’intérêt communautaire qui doit être prise en compte dans les évaluations des incidences des sites Natura 2000 désignés pour l’espèce (annexe II) et qui nécessite une protection stricte (annexe IV).
Arrêté du 23 avril 2007 - Liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire français et les modalités de leur protection: Article 2
L'arrêté concernant la Loutre d’Europe interdit entre autres toute destruction ou perturbation intentionnelle des animaux. La protection de ses habitats (sites de reproduction et aires de repos) interdit toute intervention sur ces milieux particuliers à l'espèce et notamment tout type de travaux susceptibles de les altérer ou de les dégrader. Il est également interdit de détenir, de transporter ou de réaliser toute action commerciale avec des individus prélevés dans le milieu naturel.
L’arrêté ministériel du 2 septembre 2016 relatif au contrôle par la chasse des populations de certaines espèces non indigènes, interdit dans son article 4 l’utilisation de pièges de dits « tuants » à 200 m de la rive des cours d’eau, marais, plans d’eau... où la présence de la Loutre d’Europe (ainsi que du Castor d’Europe), est avérée. La liste de ces secteurs est fixée annuellement par arrêté préfectoral.
Arrêté du 9 juillet 1999 fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département – Article 1er
Observation, étude et gestion
Méthodes de détection
Sa présence est le plus souvent mise en évidence par l’identification de traces et indices caractéristiques :
- principalement les épreintes (nom des excréments de la Loutre), dont les individus se servent pour marquer physiquement et olfactivement leur territoire,
- ainsi que les empreintes de pas.
D’autres éléments peuvent apporter des informations importantes sur l’utilisation de l’espace par la Loutre, comme par exemple le repérage des coulées empruntée.
Le réseau Petits et mésocarnivores (PMC) de l'OFB
Le réseau PMC suit l’évolution de la répartition des populations de 14 espèces de carnivores en France métropolitaine, dont la Loutre d'Europe. Les connaissances acquises grâce à ce réseau interne permettent à l’Office français de la biodiversité (OFB) d’apporter une expertise technique et scientifique sur ces espèces à tous les niveaux : départemental, régional, national et européen.
Le plan national d'action (PNA) en faveur de la Loutre d'Europe
L'espèce bénéficie d'un PNA depuis 2010, le second (2019-2028) est axé sur la conservation et ses actions sont structurées en 3 thématiques :
- acquisition de connaissances sur la Loutre et la veille écologique : suivi de l’évolution de la répartition de l’espèce en France, et le recensement des cas de mortalité,
- protection et gestion conservatoire de la Loutre : réduction de la mortalité d’origine anthropique, amélioration du potentiel d’accueil des milieux pour la Loutre d’Europe, et cohabitation entre la Loutre d’Europe et les activités piscicoles,
- communication et sensibilisation auprès des professionnels, des usagers de la nature et du grand public, et l’animation du plan en lui-même, ainsi que la coordination des initiatives régionales et locales.
Le PNA pour la loutre, animé par la Société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEPM)
Les PNA en faveur de la Loutre d'Europe (Dreal Nouvelle-Aquitaine)
Propositions pour la gestion, projets touchant aux milieux
Le maintien de manière durabled’une population, d'individus aussi mobiles et dépendants au poisson, est conditionné par :
- la continuité des corridors fluviaux,
- la liberté de circulation de l’espèce.
La protection de l'espèce peut passer par différentes actions :
- protéger les zones humides et les cours d’eau à l’échelle du bassin hydrographique,
- maintenir une productivité suffisante en espèces-proies,
- renforcer les populations par des lâchers.
À savoir pour tout projet impactant les milieux concernés
- Se renseigner auprès des organismes scientifiques et techniques compétents (établissements publics, associations locales, fédération de pêche, associations naturalistes, bureaux d’études)
- Se rapprocher des services de l'État instructeurs de votre région (services chargés de l'environnement au sein des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DRIEE en Île de France) ou au sein des directions départementales des territoires).
Informations complémentaires et références
Informations complémentaires
- Présentation de la Loutre d'Europe, et plan national d'actions (www.sfepm.org)
- Ouvrage collectif, Koch G., Dahais T., Trimoreau Y. et Charruaud G., 2024. Réseau Loutre & Castor des Deux-Sèvres : une aventure humaine. 2e édition. OFB, 68 p
- Ministère de l'écologie, du Développement durable et de l’Énergie, 2012, Guide "espèces protégées, aménagements et infrastructures". 65p.
- Évaluation des incidences sur les sites Natura 2000, Centre de ressources Natura 2000.
- Plan national d’actions en faveur de la Loutre d’Europe, Dreal Pays-de-la-Loire
- Bibliographie loutre francophone. Ressources en ligne référencées par le Réseau Loutre
- Groupe Loutre de la SFEPM et liste des correspondants nationaux et régionaux
- Groupe des spécialistes des loutres de la Commission de la Sauvegarde des Espèces (CSE) de l'UICN [anglais]
- Fiche espèce – Cahiers d’habitats Natura 2000. Tome 7
Autres espèces protégées possédant des habitats similaires
- Campagnol amphibie, Arvicola sapidus Miller, 1908
- Castor d’Eurasie, Castor fiber Linnaeus, 1758
- Vison d’Europe, Mustela lutreola (Linnaeus, 1761)
- Crossope aquatique, Neomys fodiens (Pennant, 1771)
Bibliographie
- La loutre, bio-indicatrice de la richesse des milieux aquatiques - Étude dans le bassin de l’Arnon (Cher), Faune sauvage, n°311, ONCFS, 2016
- Le castor et la loutre sur le bassin de la Loire - Synthèse des connaissances 2014, novembre 2015, ONCFS
- Dynamique régionale de la loutre en Midi-Pyrénées, Faune sauvage, n°305, ONCFS, 2014
- Kuhn R., Jacques H., 2012. La Loutre d’Europe : Lutra lutra. Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères, Bourges.
- Etienne P., 2005. La Loutre d’Europe : description, répartition, habitat, moeurs, observation... Delachaux et Niestlé, Paris.