Suivre les tourterelles des bois tout au long de leur migration pour mieux comprendre les causes de leur déclin

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 Tourterelle des bois équipée d'une balise Argos
Tourterelle des bois équipée d'une balise Argos (OFB)

Les effectifs de tourterelles des bois ont fortement diminué en Europe, au point que l’espèce a été classée « vulnérable » par l’UICN en 2015, et sa chasse suspendue en France à partir de 2020. Dans le cadre du programme dédié aux colombidés piloté par l’OFB, une trentaine de tourterelles ont été équipées de balises Argos solaires dans le but de suivre précisément leur trajet migratoire et d’identifier les facteurs qui pourraient contribuer à ce déclin.

Identifier les facteurs environnementaux

Des facteurs environnementaux comme l’habitat, le climat ou la pression cynégétique, peuvent affecter les oiseaux soit directement pendant leur cycle migratoire (mortalité pendant la migration par exemple) soit à plus long terme via leur performance démographique (succès reproducteur par exemple). Dans ce second cas, on parle d’effets de « carry-over » : un individu dont la condition physique est affectée par une dégradation de la qualité des habitats sur les sites de halte migratoire ou d’hivernage qu’il fréquente peut voir sa probabilité de survie diminuer et/ou sa qualité de reproduction s’altérer.

Combler les lacunes des études existantes

La plupart des études visant à comprendre les causes du déclin de la tourterelle des bois sont focalisées sur leurs zones de reproduction, c’est-à-dire en Europe, essentiellement au Royaume-Uni et récemment en France et en Espagne. Ce sont donc des facteurs environnementaux spécifiques de ces zones qui ont été associés au déclin de l’espèce.

Or ce migrateur au long cours passe les deux tiers de son cycle annuel ailleurs : en migration ou sur ses sites d’hivernage (en Europe ou en Afrique). Il peut donc être exposé à d’autres facteurs environnementaux que ceux de sa zone de reproduction. Dans le cas de la tourterelle des bois, un lien a déjà été démontré par exemple entre la quantité de nourriture disponible en Afrique de l’ouest subsaharienne et la survie annuelle des tourterelles des bois adultes en France (Eraud et al. 2009).

Identifier les voies migratoires, les zones de halte et les sites d’hivernage (emplacement et surface) peut permettre de prédire les conséquences des éventuels changements qui y surviendront et de mettre en œuvre à terme des mesures de gestion pertinentes. Pour de nombreux migrateurs transsahariens, cette problématique est d’une grande actualité en raison des mutations rapides et importantes des habitats agricoles et semi-naturels dans la bande Sahélienne.  

Des tourterelles équipées de mini-balises Argos

Au début des années 2000, une première étude de la migration sur la population française de tourterelles des bois a été réalisée grâce au déploiement de dispositifs GLS (global location sensor) : les résultats dressaient les grandes lignes de la migration (Eraud et al. 2013) en identifiant entre autre une zone d’hivernage recouvrant le sud de la Mauritanie, l’ouest du Mali et le delta intérieur du Niger. Mais les limites de ce type de matériel ne permettaient pas de décrire précisément les voies migratoires et les zones d'hivernage. Avec la miniaturisation des balises Argos et GPS, en 2013, 3 individus ont été équipés de balises solaires de 5 grammes. C’est ainsi que pour la première fois, les caractéristiques de la migration de la tourterelle des bois ont été décrites précisément (Lormée et al. 2016).
 

De 2015 à 2021, des balises de même type ont été déployées sur un nombre croissant d’oiseaux, en veillant à équiper des individus issus de différentes zones du territoire (centre-ouest, sud-est, nord-est). Objectif : déterminer si la population française utilise des couloirs de migration distincts selon la localisation lors de la reproduction. Ce dernier point est important car l’utilisation de routes migratoires - et a fortiori de sites d’hivernage - distinctes peut exposer les individus empruntant chacune de ces voies à des pressions environnementales différentes, ce qui pourrait expliquer pour partie les différences régionales de dynamique des populations de tourterelle des bois sur le territoire.

Cette étude est menée en collaboration avec la Royal society for protection of birds (RSPB), via la mutualisation des balises déployées sur le terrain par les deux organismes, et une analyse conjointe des données obtenues (en cours). Parmi les premiers résultats attendus d’ici fin 2022 : la description fine de la migration des populations britanniques et anglaises, et une analyse de la sélection de l’habitat sur les zones d’hivernage.

Un projet soutenu par de multiples partenaires

Le déploiement et le suivi de balises Argos est un processus couteux : une balise coûte 3000€ et un an de suivi 1500€ de frais d’abonnement.

Divers partenaires se sont associés à l’OFB pour soutenir l’étude : Fédération nationale des chasseurs (FNC), Fédérations départementales des chasseurs (FDC 79 et FDC 51), Conseil général des Deux-Sèvres, Dreal Champagne-Ardenne, Festival international du film ornithologique.

Carte interactive des trajets migratoires individuels

30 tourterelles des bois suivies individuellement de 2015 à 2021

 

Contact

Hervé Lormée : herve.lormee (a) ofb.gouv.fr

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