Chacal doré (Canis aureus)
Le Chacal doré est une espèce de canidé proche du loup et du chien, historiquement présente au sud-est de l’Europe et en expansion vers l’ensemble du continent. Le suivi actuel vise à surveiller le processus de colonisation et d’établissement de l’espèce en France.
Noms
Classification : Mammifères/ Carnivores/ Canidés |
Statuts de conservation
|
À noter : d’un point de vue taxonomique, l’espèce est proche du coyote (Canis latrans) et du complexe loup-chien (Canis lupus) avec lesquels il y a possibilité d’hybridation. En Afrique, le Chacal doré a évolué vers une lignée différente qui pourrait être considérée comme une espèce à part entière, le Loup doré africain (Canis anthus). Deux autres espèces sont présentes sur le continent africain : le Chacal à flancs rayés (Canis adustus) et le Chacal à chabraque (Canis mesomelas), plus éloignées génétiquement du complexe loup-chien-chacal.
Le Chacal doré (Canis aureus) est un mammifère de morphologie intermédiaire entre le renard et le loup.
Poids moyens : 8-15 kg, extrêmes de 7 et 17 kg
Hauteur au garrot : 45-50 cm
Longueur du corps : 65-105 cm (tête comprise), longueur de la queue : 20-30 cm
Empreinte : environ 5x3 cm, doigts médians soudés à la base
Dimorphisme :
- aucun sexuel,
- mais de grandes variations du pelage, de la stature et de la silhouette en fonction de l’individu, de la saison, de l’habitat.
Le chacal doré présente des caractéristiques morphologiques intermédiaires entre celles du renard roux et du loup gris (taille, silhouette, couleurs, empreintes, fèces…), qui peuvent prêter à confusion.
Habitat
De nombreux habitats favorables à l’espèce
L’espèce s’installe dans des habitats naturels variés. Une préférence se dégage particulièrement pour les mosaïques de terres arables et de zones arbustives et forestières (Šálek et al., 2014), ainsi que les plaines humides.
Cette espèce semble peu accommodable à la haute montagne ou aux secteurs avec un enneigement durable, ainsi qu’aux zones d’agriculture intensive ou fortement urbanisées.
Gîte de reproduction
Les tanières décrites sont généralement des terriers abandonnés de renard et de blaireau. Dans les habitats au sol dur, rocailleux, le chacal semble utiliser des branches et de l’herbe pour construire une « couche » dans une végétation de buissons.
Cycle de vie (alimentation, reproduction et paramètres démographiques)
Un carnivore opportuniste
Le Chacal doré est un prédateur généraliste avec un comportement charognard marqué pour les carcasses de gibier et les décharges publiques. La prédation concerne des proies de petite taille jusqu’au gabarit de faon de chevreuil. Il peut consommer des proies de mammifères, oiseaux, reptiles, poissons, crustacés, invertébrés, fruits, jeunes pousses de végétaux…
Ce régime alimentaire opportuniste varie selon les régions et les saisons en fonction de la disponibilité des ressources. Il est proche de celui du renard avec lequel le chacal peut entrer en compétition.
Reproduction
- Naissance : en Europe, la mise-bas a lieu de début avril à fin mai (Vassilev & Genov, 2002 in Stoyanov, 2012 ; Lanszki et al., 2018).
- Portée : 3 à 12 jeunes, vraisemblablement unique dans l’année.
- Élevage des jeunes : dans la tanière pendant leurs 7 premières semaines de vie, puis suivent les adultes dans la recherche de nourriture et continueraient de la fréquenter jusqu’à leur 14e semaine.
- Taux de survie des jeunes à la sortie de la tanière : estimé entre 40 et 50 % (Vassilev & Genov, 2002 in Stoyanov, 2012).
Comportement (mode de vie, domaine vital)
Une structure sociale basée sur le couple
L’unité sociale de l'espèce serait le couple reproducteur avec les jeunes de l’année, et parfois ceux de l’année précédente.
Une activité principalement crépusculaire
Le Chacal doré est principalement actif à l’aube et au crépuscule. Dans la journée, il utiliserait les habitats à végétation dense pour se reposer, et se déplacerait peu (Giannatos, 2004).
Domaine vital et utilisation de l’espace : une espèce territoriale
Malgré le peu d’informations disponibles, certains auteurs supposent qu’il s’agit d’une espèce territoriale, avec un domaine vital allant de 2 à 15 km², réduit en période de reproduction.
Dispersions
En phase d’émancipation, les subadultes, notamment mâles, peuvent faire des déplacements de plusieurs centaines de kilomètres à partir du territoire maternel. Ces dispersions expliquent que l’espèce peut faire souche dans des territoires isolés, si des femelles sont également présentes, où les rejoignent.
Cette stratégie à grande distance n’est pas toujours la règle, la colonisation de l’espèce se réalise également par l’installation dans les zones adjacentes des populations établies.
Sons / communication : une espèce aux hurlements caractéristiques (extrait de Andru J. et al., 2017)
"Plusieurs catégories de vocalisations ont été répertoriées chez différentes sous-espèces de chacal : aboiements, gémissements, sifflements, jappements, hurlements solitaires, hurlements de groupes, hurlements-jappements de groupe, et un cri d’alarme spécifique induit par la présence de grands carnivores (Lehner, 1978 ; Lapini 2010 in Comazzi et al., 2016). Dans ce grand répertoire bioacoustique, la vocalisation caractéristique du chacal, qui signifie « celui qui hurle » en sanskrit, est l’émission de hurlements nocturnes.
Ces hurlements sont entendus quasiment toutes les nuits dans les zones de forte densité de chacals dorés (présence de groupe), moins souvent dans les zones de faible densité, et rarement dans les zones de présence d’individus vagabonds (Giannatos, 2004). Ce sont des vocalisations de longue distance qui pourraient avoir une fonction de cohésion sociale et de défense du territoire chez le chacal doré (Jaeger et al., 1996). [...]"
Interactions écologiques et avec les activités humaines
L’installation du Chacal doré en France pourrait influencer le fonctionnement des écosystèmes concernés. Cette influence serait plus limitée sur les activités humaines que celle des grands prédateurs (ours, loup, lynx).
La compétition interspécifique
Le chacal occupe une niche écologique proche de celle du renard sur les dimensions alimentaire, de gîte, et du rythme d’activité. Une concurrence entre les deux espèces pourrait limiter la présence du renard. À l’inverse, la présence du Loup gris semble gêner l’établissement du chacal, marquée par l’observation d’une ségrégation spatiale générale.
Une influence de la prédation à préciser
Comme pour tout prédateur généraliste, l’influence de la prédation sur les populations de proies sauvages doit être mesurée pour être évaluée. En Europe orientale, les travaux disponibles ne montrent pas d'effet de mortalité additive, qui s’ajouterait créant une pression supplémentaire.
L’action de prédation vis à vis des activités humaines se rapproche de celle du renard. Des cas de prédation ont été documentés sur la volaille, des agneaux ou sur des animaux de plus grande taille déjà blessés (Giannatos et al., 2010 ; Heltai et al., 2013). Le risque de prédation sera directement lié à la disponibilité des proies domestiques et leur degré d’accessibilité pour ce prédateur.
Un risque d’hybridation avec le chien
L’hybridation avec des chiens errants a été confirmée grâce à des analyses génétiques menées en Croatie (Galov et al., 2015). L’hybridation avec le loup est plausible génétiquement, mais non constatée.
Un risque sanitaire analogue aux autres canidés
Le chacal doré peut être porteur de diverses maladies, dont certaines sont transmissibles à la faune sauvage, à la faune domestique et à l’homme : trichinellose, échinococcose, leishmaniose et brucellose, potentiellement la rage.
Répartition géographique et situation de l'espèce
Une espèce en cours d’établissement en Europe, après une expansion depuis les Balkans
Originaire du nord de l’Inde, l’espèce est présente depuis 2000 ans en Europe du Sud-est, dans la région des Balkans.
Grâce à une réglementation plus favorable, depuis les années 1950 les noyaux de population en Grèce et Croatie se sont développés. Les aires de présence se sont étendues pour se rejoindre avant de coloniser la vallée du Danube. Cette populations a alimenté, dans un second temps, des dispersion de l’espèce vers des régions plus éloignées en Italie, en Allemagne jusque dans les pays Baltes et plus récemment vers l’Europe occidentale.
En France, des détections isolées dans de nombreuses régions
La première donnée de l’espèce a été authentifiée en Haute-Savoie en 2017. Depuis cette date, des données ont été progressivement enregistrées en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nouvelle-Aquitaine, Bretagne, Île-de-France, Pays-de-la-Loire et dans le Grand-Est. Un chacal a été victime d’une collision routière en 2023 dans le département des Bouches-du-Rhône.
Jusqu’à présent, toutes ces détections ont concerné uniquement des individus seuls, isolés géographiquement. Aucune preuve de reproduction n’a été encore détectée, même si l’'établissement de groupes familiaux est suspecté. La reproduction de l’espèce confirmée la plus proche de nos frontières date de 2022 en Forêt noire (Allemagne).
Extrait - Le chacal doré (Éclairages, ONCFS, 2018) |
L’OFB centralise les informations de suivi et en particulier les données de présence de l’espèce en France. L’objectif est de distinguer de l’aire de dispersion des individues isolés, l’identification des éventuels noyaux de présence avec reproduction, qui traduiraient un établissement. (voir partie Études et gestion)
Réglementation
Statut juridique
- Statut commerce international : annexe C – Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites)
- Statut communautaire (UE) : espèce à maintenir dans un état de conservation favorable – annexes V – Directive Habitats
- Statut national : espèce gibier non chassable
Réglementation : précisions
Suite à sa régression au cours de la première moitié du XXe siècle, des législations ont limité la lutte organisée contre les prédateurs du cheptel domestique (chasse, piégeage et poison)).
À noter |
Son statut au niveau national diffère selon les pays
Le Chacal doré est protégé chez certains (Allemagne, Suisse, Italie…), régulé chez d’autres (Estonie, Serbie, Bulgarie…), et régulièrement évolutif.
En France, dès lors qu’une espèce se maintient dans le milieu naturel et que l’homme n’est pas à l’origine de son introduction, la qualification de gibier est retenue. Il y a donc lieu de lui appliquer les règles relatives à la police de la chasse. Le chacal doré n’apparaît pas dans l’arrêté qui liste les espèces chassables (arrêté du 26 juin 1987). C’est donc une espèce gibier non chassable.
Ainsi la réglementation actuelle ne permet ni de le chasser, ni de le piéger : contravention de 5e classe (article R. 428-5 du Code de l'Environnement)
Observation, étude et gestion
L’arrivée du chacal en Europe occidentale, et en France en particulier, est accompagnée de questionnements sur l’avenir de cette espèce, sa coexistence avec la faune présente et les activités humaines. Cette connaissance nécessite en premier lieu de disposer d’informations précises sur la présence de l’espèce, et d’individus socialement établis pouvant participer à la reproduction. Ce travail doit permettre une lecture à l’échelle du territoire national mais également aussi au sein de la population européenne.
Méthodes de détection
Plusieurs moyens de détection existent, et sont différemment utilisés selon les pays. Un point commun : ils portent sur des éléments vérifiables. Ce sont principalement des images, qui doivent être exploitables donc de qualité suffisante (photographie, vidéo), ou des éléments biologiques (poils, excréments, cadavre…).
L'analyse des images passe par différentes étapes. Une présélection des images est réalisée à partir de critères morphologiques. Par exemple la hauteur au garrot est un critère discriminant, pour éviter des confusions avec le renard ou le loup. L’estimation de cette hauteur nécessite le plus souvent des prises de mesure sur le terrain, sur des objets présents sur les images et pouvant servir de mire. Les images qui suspectent le chacal seront transmises pour avis aux spécialistes.
Quand l’espèce a été détectée plusieurs fois au même endroit, il faut généralement utiliser d’autres techniques pour identifier la présence d’individus reproducteurs. La stimulation acoustique consiste à émettre le son du chacal pour provoquer une réaction des individus présents et notamment des jeunes dont les vocalises se distinguent des adultes.
Les analyses génétiques permettent d’identifier des individus différents et leur sexe notamment à partir de poils qui peuvent être récupérés sur des pièges réalisés en installant avec des fils barbelés que les individus frotteront en passant dessous, via des excréments, ou en cas de découverte d'un cadavre.
Un besoin : diagnostiquer l’établissement de l’espèce et les facteurs favorables à sa survie
Le ministère de la Transition écologique a demandé à l’OFB de centraliser les données sur cette espèce et de surveiller l’arrivée et l’établissement de cette nouvelle espèce.
Le suivi actuel consiste à assurer une veille à l’échelle du territoire national pour détecter sa présence. Les données prises en compte sont celles permettant un examen à posteriori par des experts (photographie, vidéo, cadavre…).
Les images sont validées par les experts du Gojage (Golden Jackal informal study group in Europe), des biologistes qui suivent l’espèce, notamment dans les pays de l’Est.
Sa détection a été également réalisée grâce à une analyse génétique sur un excrément attribué au loup.
Le suivi a pour objectif d’identifier les secteurs utilisés par l’espèce et ceux à l’inverse délaissés.
Que faire en cas d’observation ? |
Vers une coordination internationale pour le suivi et la gestion
Le chacal doré est à ce jour une espèce de canidé encore peu connue et peu étudiée en Europe. Cependant, l’augmentation récente du nombre d’articles scientifiques démontre qu’il suscite un intérêt grandissant.
À l’avenir, la mise en place d’une coordination internationale permettrait d’harmoniser les pratiques en matière de suivi et de gestion afin d’améliorer les connaissances.
Informations complémentaires et références
Références
- Andru J., Ranc N., Guinot-Ghestem M., Le chacal doré fait son chemin vers la France, Faune sauvage, 320, 2018.
- Le chacal doré, Éclairages, ONCFS, 2018
- Lanszki, J., Schally, G., Heltai, M. & Ranc, N. Golden jackal expansion in Europe: First telemetry evidence of a natal dispersal. Mamm. Biol. 88, 81–84 (2018)
- Andru J., Ranc N., Guinot-Ghestem M., Statut, biologie, écologie et gestion d’une espèce de canidés en rapide expansion en Europe : le chacal doré, Canis aureus (Linnaeus 1758), note ONCFS, 2017
- Galov, A. et al. First evidence of hybridization between golden jackal (Canis aureus) and domestic dog (Canis familiaris) as revealed by genetic markers. R. Soc. Open Sci. 2, 150450 (2015)
- Heltai, M. et al. Golden jackal: opinion versus facts - Experiences from Serbia and Hungary. in Modern aspects of sustainable management of game populations 2 nd International Symposium on Hunting (2013)
- Stoyanov, S. Golden jackal (Canis aureus) in Bulgaria. Current status, distribution, demography and diet. in 2nd International Symposium on Hunting “Мodern aspects of sustainable management of game population”, Zemun-Belgrade, Serbia 22–24 (2012)
- Giannatos, G., Karypidou, A., Legakis, A. & Polymeni, R. Golden jackal (Canis aureus L.) diet in Southern Greece. Mamm. Biol. - Z. Für Säugetierkd. 75, 227–232 (2010).
- Giannatos, G. Conservation action plan for the golden jackal Canis aureus L. (2004)
Références citées dans l'extrait sur la communication
- Comazzi, C., Mattiello, S., Friard, O., Filacorda, S. & Gamba, M. Acoustic monitoring of golden jackals in Europe: setting the frame for future analyses. Bioacoustics 25, 267–278 (2016)
- Giannatos, G., Marinos, Y., Maragou, P. & Catsadorakis, G. The status of the golden jackal (Canis aureus L.) in Greece. Belg. J. Zool. 135, 145 (2005)
- Jaeger, M. M., Pandit, R. K. & Haque, E. Seasonal Differences in Territorial Behavior by Golden Jackals in Bangladesh: Howling versus Confrontation. J. Mammal. 77, 768–775 (1996).
- Lehner, P. N. Coyote vocalizations: A lexicon and comparisons with other canids. Anim. Behav. 26, Part 3, 712–722 (1978)