Triton crêté (Triturus cristatus)
Le Triton crêté est un amphibien protégé au besoins spécifiques : sa conservation est liée à la possibilité d’utiliser un minimum de 5 à 6 mares séparées de moins d'1 km. La structure paysagère est donc particulièrement importante pour cette espèce vivant en métapopulations.
Nom
Classification : Chordata / Amphibia / Urodela / Salamamdridae / Triturus |
Statuts de conservation (listes rouges UICN)
Statut réglementaire : réglementée |
Habitat
Un amphibien vit entre terre et milieux humides
Le Triton crêté se reproduit dans une grande diversité d’habitats de plaine, en particulier des points d’eau stagnante (mares et étangs). Il se retrouve plus rarement dans les canaux ou les fossés de drainage. Il est généralement absent des grandes étendues d’eau comme les lacs et les réservoirs.
Son habitat terrestre se compose de boisements, de haies et de fourrés, à proximité des sites de reproduction. La principale caractéristique est qu’ils puissent fournir des zones de refuges, constituant un abri pendant les conditions extrêmes de sécheresse ou de froid, mais aussi des opportunités d’alimentation et de dispersion.
Les mares allant de 50 à 750 m² avec une profondeur allant de 50 cm à 2 m sont choisies préférentiellement. Celles-ci peuvent être permanentes ou temporaires : l’assèchement peut être bénéfique à condition qu’il n’entrave pas le développement larvaire, en effet il empêche la présence de prédateurs (poissons).
La présence de végétaux aquatiques est appréciée : elle sert notamment de support de ponte, permet le développement d’invertébrés « proies », assure une protection contre les prédateurs et procure une variété de micro-habitats. Les mares couvertes aux 2/3 de plantes immergées et pour moins de la moitié de plantes émergées semblent particulièrement adaptées.
Plus encore que chez les autres espèces, la probabilité de trouver des Tritons crêtés augmente avec le nombre de mares existant à proximité. La conservation d’une population de Triton crêté est liée à la possibilité d’utiliser un minimum de 5 à 6 mares séparées par des distances inférieures à un kilomètre.
Faiblement sélective sur la qualité de l’eau, l’espèce supporte mal les forts changements de conditions (voir partie Interactions). L’espèce est présente dans des eaux acides ou basiques (pH 4,4 – 9,5), mais les eaux neutres ou légèrement basiques sont les plus fréquentées.
Aire de repos
- Pour l’hivernage, les jeunes et adultes du Triton crêté utiliseront des galeries du sol (micromammifères notamment), des pierres ou des souches dans les haies.
- Pour l’estivage, ils utiliseront le même type d’abris, et préfèreront les zones plus humides, en particulier pendant les périodes de sécheresse.
- Pendant la période de reproduction, ils seront, en journée, cachés parmi les plantes aquatiques.
Sites de reproduction
- Les sites de reproduction utilisés par les Tritons crêtés sont variés. Ces points d’eaux présentent toutefois des caractéristiques propres comme une faible étendue et une faible profondeur. Les tritons sont sensibles à l’envasement et préfèrent les sites ensoleillées.
- En raison du risque de prédation sur les pontes, les larves, mais aussi pour les adultes, ils évitent les sites avec des poissons.
- La présence de végétation de berge et de plantes émergées est importante dans la mesure où elles fournissent un support de ponte idéal.
Types d’habitats associés
- Typologie Eunis : C1 - Eaux dormantes de surface / C2.3 - Cours d’eau permanents non soumis aux marées, à débit régulier / C3 - Zones littorales des eaux de surface continentales / E3 - Prairies humides et prairies humides saisonnières / E5 - Ourlets, clairières forestières et peuplements de grandes herbacées non graminoïdes / FA - Haies
- Corinne Biotope : 22 - Eaux douces stagnantes / 24.1 - Lit des rivières / 53 - Végétation de ceinture des bords des eaux / 37 - Prairies humides et mégaphorbiaies / 84.2 - Bordures de haies
Cycle de vie (alimentation, reproduction, paramètres démographiques...)
Alimentation : carnivore
La période d'alimentation du Triton crêté s'échelonne de février à octobre. Les zones d’approvisionnement se trouvent dans de nombreux habitats, mais préférentiellement là où les proies sont abondantes comme les prairies ou les bois.
- Les points d’eau doivent pouvoir accueillir une faune saine (principalement des invertébrés) pour le développement des larves.
- Les adultes se nourrissent aussi bien dans l’eau que sur la terre ferme, à la recherche de proies variées : petits mollusques, vers, larves, mais aussi têtards de grenouille ou de triton.
Reproduction
La période de reproduction du Triton crêté s'échelonne de mars à octobre.
Comportement (mode de vie, déplacement, domaine vital...)
Le domaine vital concerne la métapopulation
Les Tritons crêtés forment généralement des métapopulations : une métapopulation est formée de tritons se reproduisant et vivant autour d’un réseau de points d’eau. Des échanges d’individus peuvent intervenir entre les différents points d’eau.
Les tritons sont capables de coloniser un nouveau point d’eau dès la 1re année, dans la limite de 300 m autour d’un patch occupé. La colonisation à plus de 1 000 m peut prendre plusieurs années.
L’espèce est assez fidèle à son site de reproduction.
Déplacements : migrer pour se reproduire ou hiverner
Les déplacements les plus importants du Triton crêté interviennent principalement pendant la période prénuptiale, lorsqu’il rejoint les sites de reproduction, et en période post-nuptiale lorsqu’il rejoint les sites d’hivernage.
Chez cette espèce, la phase aquatique est de l’ordre de 4-5 mois. Les habitats terrestres se situent généralement à quelques dizaines jusqu’à quelques centaines de mètres des habitats aquatiques.
Le taux de migration annuel moyen par individu est de l’ordre de un kilomètre. Les déplacements terrestres se font presque exclusivement de nuit, et les distances parcourues varient grandement selon la qualité et la disponibilité de l’habitat.
Interactions écologiques et avec les activités humaines
Une sensibilité au paysage et aux changements brusques de qualité des mares
La présence et le développement du Triton crêté peuvent être influencés par différents facteurs liés à la typologie de la mare, mais également à plus large échelle, par la structure paysagère.
L’espèce supporte mal les forts changements de conditions de qualité de l'eau comme la pollution organique et la désoxygénation pouvant entraîner une modification du pH. Les rejets agricoles, la présence d’importantes populations d’oiseaux d’eau ou encore la chute de feuilles dans les mares ombragées peuvent être à l’origine de ces changements.
Obstacles à la migration
Les eaux rapides et les rivières larges constituent généralement une barrière naturelle à la migration du Triton crêté. Sa dispersion sera également limitée par la présence :
- de routes (en particulier si le trafic est supérieur à 20 véhicules/heure),
- de bâtiments,
- ou dans les grandes zones de culture intensives.
Répartition géographique et situation de l'espèce
Réglementation
Statut juridique
- Statut commerce international : aucun statut - Convention Cites
- Statut européen : espèce de faune strictement protégée - annexe II et annexe IV – Convention de Berne
- Statut national : espèce protégée – Arrêté du 8 janvier 2021 fixant la liste des amphibiens et des reptiles représentés sur le territoire métropolitain protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection
Réglementation
- Arrêté du 28 juin 2021 relatif à la prévention de l'introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion - interdiction de toutes activités portant sur des spécimens vivants
Observation, étude et gestion
Méthodes de détection
La recherche des adultesde nuit à la lampefrontale est une méthode efficace et simple à mettre en place. Sur autorisation, il est possible également utiliser des épuisettes ou des nasses, en particulier pour détecter les populations de faible effectif. Cette méthode est cependant coûteuse et lourde à mettre en place. Des passages répété (jusqu’à 7 fois) seront nécessaires pour assurer une détectabilité maximale. En période de reproduction, 3-4 passages couplés avec plusieurs méthodes (phares + pêche échantillon) peuvent suffirent.
La recherche des pontes dans la végétation est une méthode simple et rapide pour la détection de l’espèce, mais il est difficile de dissocier les pontes de celles du Triton marbré. De plus cette méthode n’apporte pas d’éléments sur les densités et tailles de population. La recherche des larves peut se faire dès avril à l’épuisette.
Enfin, le reste de l’année, des tritons à différents stades de développement peuvent être détectés à proximité des sites de pontes, sous des abris naturels.
Gestion : à savoir pour tout projet impactant les milieux concernés
- Se renseigner auprès des organismes scientifiques et techniques compétents (établissements publics, associations locales, fédération de pêche, associations naturalistes, bureaux d’études)
- Se rapprocher des services de l'État instructeurs de votre région (services chargés de l'environnement au sein des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DRIEE en Île de France) ou au sein des directions départementales des territoires).
Informations complémentaires et références
Informations complémentaires
- Ministère de l'écologie, du Développement durable et de l’Énergie, 2012, Guide "espèces protégées, aménagements et infrastructures". 65p.
- Évaluation des incidences sur les sites Natura 2000, Centre de ressources Natura 2000.
- Rogeon G. & Sordello R., Synthèse bibliographique sur les traits de vie du Triton marbré relatifs à ses déplacements et à ses besoins de continuités écologiques. MNHN-SPN, 2012
- Alexandre Boissinot. Influence de la structure du biotope de reproduction et de l’agencement du paysage, sur le peuplement d’amphibiens d’une région bocagère de l’Ouest de la France. Thèse de doctorat. 2009
- Société Herpétologique de France pour le suivi des populations d’amphibiens.
Autres espèces protégées possédant des habitats similaires
- Alyte accoucheur, Alytes obstetricans (Laurenti, 1768)
- Grenouille agile, Rana dalmatina Fintzenger, (Bonaparte, 1838)
- Grenouille rousse, Rana temporaria (Linnaeus, 1758)
- Rainette verte, Hyla arborea (Linnaeus, 1758)
- Triton alpestre, Ichthyosaura alpestris (Laurenti, 1768)
- Triton marbré, Triturus marmoratus (Latreille, 1800)
- Triton palmé, Lissotriton helveticus (Razoumowsky, 1789)
- Triton ponctué, Lissotriton vulgaris (Linnaeus, 1758)
Bibliographie
- Lescure J. & de Massaryqw J.-C. (coords), 2012. Atlas des Amphibiens et Reptiles de France. Biotope, Mèze ; Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (collection Inventaires & biodiversité), 272p.
- Marty P., Angélibert S., Giani N., Joly P., 2005. Directionality of pre- and post-breeding migrations of a marbled newt population (Triturus marmoratus): implications for buffer zone management. Aquatic Conserv: Mar. Freshw. Ecosyst. 15, 215–225.
- Sztatecsny M., Jehle R., Schmidt B.R., Arntzen J.W., 2004. The abundance of premetamorphic newts (Triturus cristatus, T-marmoratus) as a function of habitat determinants: An a priori model selection approach. Herpetolog. J. 14, 89–97.
- Duguet R., Melki F., 2003. Les amphibiens de France, Belgique et Luxembourg, Parthénope collection. Biotope, France.
- Jehle, R., Arntzen, J.W., 2000. Post-breeding migrations of newts (Triturus cristatus and T.marmoratus) with contrasting ecological requirements. Journal of Zoology 251, 297–306.