Restauration de la végétation aquatique des étangs
Contexte général
La végétation aquatique (ceintures d’hélophytes et herbiers aquatiques) joue un rôle central pour la biodiversité des étangs piscicoles (Broyer et Curtet 2003, Broyer et al. 2009, Broyer et Calenge 2010, Broyer et Curtet 2011, Broyer et Curtet 2012).
De nombreux signes de dégradation de son état sont observés dans plusieurs régions d’étangs, avec des conséquences déjà visibles sur des espèces de faune dont le cycle reproducteur en dépend fortement. La population de Guifette moustac de la Dombes s’est écroulée en parallèle de la raréfaction des herbiers aquatiques tandis qu’en Sologne ces oiseaux semblent de moins en moins utiliser les herbiers comme supports de nidification, laissant présager un impact négatif sur leur reproduction à moyen terme (Benmergui et Broyer 2005). En Sologne, plusieurs espèces d’oiseaux nicheurs des roselières (Butor étoilé, Blongios nain, Rousserole turdoïde, Busard des roseaux) ont déjà disparu (Mabilleau et Pelsy, 2013). Les connaissances sur les odonates sont encore insuffisantes mais nous pouvons faire l’hypothèse que ces espèces risquent d’être impactées également à moyen terme par la diminution des capacités d’accueil des ceintures d’hélophytes bas qui constituent leur habitat de prédilection (Broyer et al., 2018).
L’ONCFS s’est fortement engagé sur ces deux sites Natura 2000 avec les acteurs locaux, couplant monitoring sur de nombreux étangs et opérations expérimentales ciblées sur les facteurs d’influence pré-identifiés.
Les causes de dégradation de la végétation aquatique semblent multiples et spécifiques selon les contextes.
En Dombes, l’intensification agricole et/ou piscicole semblent bien être les principales causes, influant sur la physico-chimie de l’eau des étangs au détriment de la végétation aquatique. Le programme expérimental de restauration du bassin versant du Grand Birieux initié en Dombes par l’ONCFS a permis de s’associer en 2018 avec l’Université de Lorraine et le soutien financier de l’AFB pour poursuivre les investigations sur ce sujet difficile mais ô combien important de l’écotoxicologie dans le cadre du projet CABARET.
En Sologne, certains de ces symptômes sont explicitement liés à l’abandon des pratiques de gestion traditionnelles (ex : envahissement des ceintures d’hélophytes par les ligneux non maîtrisés). D’autres comme la régression des fronts de végétation et la rareté des herbiers aquatiques s’expliquent plus probablement par l’interaction de plusieurs facteurs, dont l’herbivorie du ragondin, déjà démontré ailleurs (Curtet et al., 2008), dans un contexte de pauvreté trophique du milieu et de déprise piscicole (Broyer et al., 2016).
Des phénomènes proches, parfois cumulatifs, quoique souvent moins accentués, sont à l’œuvre dans d’autres régions (Forez, Brenne, Champagne humide notamment).
Enjeux opérationnels
Les DOCOBs Natura 2000 et les plans de gestion d’espaces naturels protégés prennent souvent déjà en compte ces enjeux de conservation en préconisant la limitation des effectifs de ragondin et le maintien des pratiques de gestion traditionnelle. Mais l’expérience du terrain montre que l’ampleur de l’impact du ragondin n’est pas réellement prise en compte voire même perçue, même par des gestionnaires éclairés. Les bienfaits de travaux de restauration de ceintures de végétation aquatique (fauchage de roselière, arrachages de saule, étrépage) peuvent ainsi être très limités voire réduits à néant par l’herbivorie, laissant les gestionnaires incrédules et démunis. Les connaissances concernant les conditions de développement des herbiers aquatiques sont encore actuellement trop insuffisantes, en particulier dans le contexte de la Sologne, pour permettre le développement de mesures de restauration appropriées.
Il va donc s’agir de :
- montrer l’ampleur réelle de l’impact du ragondin et expérimenter l’efficacité de moyens de limitation de son impact (par la régulation et/ou la protection de la végétation par un dispositif d’exclos) ;
- identifier les conditions physico-chimiques de l’eau et du sédiment favorables aux herbiers aquatiques dans le contexte de déprise piscicole de Sologne et expérimenter le cas échéant des mesures correctives (ex : chaulage, modification du chargement piscicole).
La réalisation d’opérations expérimentales à vocation démonstrative sont indispensables pour que se produise une prise de conscience de l’importance de ces phénomènes et de l’existence de solutions chez les gestionnaires. Le projet devra tester des modalités de gestion transférables aux gestionnaires (faisabilité technique et financière et acceptabilité sociale). Dans cet esprit, une collaboration pourra être proposée aux pisciculteurs pour étudier la capacité des exclos à servir également d’abris aux poissons face à la prédation aviaire.
Ces thématiques autour de l’avenir de la végétation aquatique touchent potentiellement des milliers d’étangs en Sologne mais aussi dans d’autres régions comme la Brenne (Séminaire national Guifettes 2018 concluant à l’importance de la prise en compte du ragondin), la Bresse (pauvreté du sédiment en phosphore), le Forez (touché comme la Sologne par la déprise piscicole avec un appauvrissement probable du milieu) ou encore la Dombes (interrogation sur l’influence de la fertilisation azotée).
Ces opérations ont vocation à produire les bases opérationnelles préliminaires à la mise en œuvre d’un programme expérimental de restauration à plus large échelle (ex : programme LIFE et/ou politiques publiques régionales) afin de répondre réellement aux enjeux de conservation des Directives Habitat-Faune-Flore et Oiseaux.
Collaborations externes
Collaborations/partenaires qui pourraient potentiellement être mobilisés :
- propriétaires privés ;
- Fédération des chasseurs du Loir-et-Cher,
- Conservatoire d’espaces naturels de la Région Centre Val de Loire,
- Centre national de la propriété forestière (Opérateur Natura 2000),
- DREAL Centre Val de Loire,
- Union régionale du Centre pour l’information et l’accompagnement pour la protection des étangs (URCIAP),
- Pisciculteurs,
- ...
(Dernière mise à jour : avril 2019)