Évaluation de l’incidence de la politique agricole commune (PAC) sur l’eau : quels enseignements ?

Date de publication ou de mise à jour
12/07/2022
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Le rapport final présentant l’évaluation de l’incidence de la PAC 2014-2020 sur l’eau a été publié fin 2021. Abordant à la fois les aspects de quantité et de qualité de l’eau, le rapport établit des résultats relatifs à l’efficacité et l’efficience des actions engagées. Aperçu des principales conclusions.

Une mobilisation limitée des leviers prévus

La Commission européenne estime que la PAC, dans ses principes, est un outil pertinent du fait qu’elle vise une ambition plus élevée que celle des États membres, notamment sur les aspects environnementaux (via le paiement vert, la conditionnalité, l’allocation de 30% du budget du développement rural destiné au climat et à l’environnement). Les limites de son efficacité seraient dues à des mises en œuvre insuffisantes et peu adaptées de la part des États membres, comme par exemple :

  • des allocations de financements limités pour les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), Natura 2000, conversion bio,
  • une interprétation minimaliste des règles de la conditionnalité et un défaut de contrôles dans certains États membres.

Une contribution nuancée de la PAC pour l’atteinte des objectifs relatifs aux ressources en eau

Quelques informations concernant la France

Si la France est le premier bénéficiaire (63 md€ pour la période), elle mobilise moins de budget pour les MAEC par exemple que l’Italie ou l’Allemagne (545 m€ vs 599 m€ et 1 md€) et seulement 385 m€ pour l’aide au bio (700 m€ en Allemagne).

La vente de pesticides est restée globalement stable à l’échelle de l’UE. En France, elle a augmenté de presque 40% entre 2011 et 2018.

La France est citée parmi les bons élèves sur 3 sujets :

  • les zones tampons : interdiction de l’utilisation de pesticides en plus des engrais, nécessité d’une couverture végétale des bandes et d’une largeur suffisante ;
  • des mesures de contrôle des autorisations de prélèvement des agriculteurs ;
  • des distances du stockage du fumier par rapport aux points d’eau.

La France fait partie des pays qui ont ciblé les aides du 2e pilier sur les sites Natura 2000, avec une mise en œuvre insuffisante (pas assez de moyens, peu d’appropriation par les agriculteurs).

Le soutien aux services de conseil a été limité en termes d’effet, notamment en raison de sa complexité administrative de mise en œuvre en France.

La pertinence de la PAC pour atteindre les objectifs européens en matière d’eau semble nuancée, pour deux raisons :

  • le manque de données ne permet pas d’étudier certains paramètres (évaluation fine de l’évolution des capacités de rétention des sols ou du statut des masses d’eau en corrélation avec les mesures de la PAC) ;
  • la politique présente des incohérences et incitations contradictoires.

Certains dispositifs de la PAC contribuent efficacement, selon l’étude, à l’objectif d’utilisation durable de l’eau. C’est le cas de la conditionnalité environnementale (conditionnement du versement des paiements au respect d’un certain nombre de règles : bandes tampons, règlementation nitrates, autorisations de prélèvements...) qui fait partie des mesures jugées les plus efficaces pour la gestion qualitative et quantitative, à condition d’être accompagnée de procédures d’autorisation et de contrôle solides. Cette conditionnalité est bien complémentaire des dispositifs du 2e pilier de la PAC : MAEC et soutien à l’agriculture biologique.

 


Cependant, beaucoup de secteurs ayant pourtant un impact important sur l’eau (fleurs, production de fruits, vignes) échappent à la conditionnalité car ils ne sont pas toujours éligibles aux paiements directs. De la même façon, les mécanismes nationaux d’autorisation de prélèvement ou de tarification proposent souvent des exemptions agricoles.

Autre contradiction pointée par l’étude : l’aide aux investissements prévue dans le 2e pilier a facilité le recours à des équipements permettant de diminuer la pollution ou d’améliorer la gestion quantitative. Mais elle finance également de nouveaux projets d’irrigation, qui augmentent la pression sur la ressource en eau (autorisation d’investissements d’irrigation y compris dans des zones où le statut des masses d’eau est en mauvais état quantitatif).

Enfin, la France fait partie des pays qui ont fait remonter le manque d’attractivité financière des dispositifs du 2e pilier relatifs à l’eau (MAEC par exemple), notamment pour les exploitants de systèmes conventionnels et à forte valeur ajoutée, qui sont généralement localisés dans les régions qui connaissent le plus de problèmes en termes de quantité et qualité de l’eau.

Focus sur les mesures relatives aux pollutions diffuses

Le rapport relève deux points :

  • une bonne efficacité des dispositifs relatifs aux zones vulnérables aux nitrates globalement dans tous les pays membres ;
  • de fortes disparités d’application des mesures concernant l’utilisation des produits phytosanitaires pour la protection des eaux souterraines, allant du simple contrôle de l’autorisation de mise sur le marché des produits autorisés à des dispositions plus avancées (mesures de prévention de la diffusion des produits hors de la zone traitée, protection des pollinisateurs).

Contact

Hélène Loiseau, chargée de mission Europe : helene.loiseau@ofb.gouv.fr

En savoir plus

Consulter le rapport final Politique agricole de l’UE - évaluation de son incidence sur l’eau, décembre 2021

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