[Projet Balise] Trajet record parcouru pour une Bécassine des marais

Date de publication ou de mise à jour
27/06/2022
Image

Pour la dernière année du projet Balise d'étude de la migration des bécassines des marais, une femelle équipée de sa balise GPS/Argos vient de parcourir un trajet hors norme d'environ 6 000 km pour aller nicher dans une zone éloignée de Sibérie Centrale ! Un record enregistré pour l'espèce grâce à ce projet mené par l’Office français de la biodiversité avec le Club international des chasseurs de bécassines. Quels sont les détails de ce périple ? Le voyage retour sera-t-il aussi exceptionnel ?

Un trajet par étapes pour un voyage très (très) longue distance

Afin de mieux comprendre les flux migratoires de cette espèce, mais aussi d'identifier plus précisément leurs aires de nidification, près de 165 bécassines des marais ont été équipées depuis 2017 de mini-balises de 3 à 4 grammes.

La voyageuse en question est une femelle adulte de 104,5 g capturée le 23 février 2022 à Vauvert dans le Gard (30). Elle a reçu la balise n°954.

Après avoir débuté sa migration autour du 17 avril, elle a fait une halte en Hongrie, puis est arrivée le 1er mai en Russie occidentale. Son déplacement migratoire est ensuite régulier en direction du nord-est tout le mois de mai, et elle traverse l’Oural entre le 19 et le 22 mai.

Image

 

Elle poursuit alors son trajet toujours plus à l’est, contrairement aux autres individus équipés jusque là, et atterrit le 25 mai en Sibérie près du fleuve Ienisseï, au-dessus du cercle polaire, après un déplacement de plus de 1 000 km en 3 jours.

Depuis le 28 mai, après un nouveau déplacement, elle stationne dans une zone humide au nord de la Sibérie Centrale. Suite à ce long trajet d’environ 6 000 km en 40 jours depuis son lieu de capture, cette bécassine, voyageuse de l’extrême, semble enfin arrivée à destination.

Image
Bécassine des marais 954 - Trajet aller 2022 en vue plannisphère, projet Balise (OFB)

Une découverte qui pose de nouvelles questions

Un record de distance

Sur plus de 165 oiseaux équipés en 6 ans, quelques-uns ont déjà niché en Sibérie, derrière l’Oural, mais la plupart nichent en Europe de l'Est ou en Russie occidentale. Cette bécassine est la 1re à voyager aussi loin. C'est une information exceptionnelle découverte grâce à ce projet de déploiement de balises GPS/Argos.

À savoir : les Bécassines des marais sont généralement fidèles à leurs zones d’hivernage et de reproduction, elles reviennent aux mêmes endroits à l'automne et au printemps.

Les bécassines des marais qui nichent en Sibérie Centrale sont supposées hiverner près du littoral asiatique ou en Afrique de l'Est. Découvrir que des bécassines si orientales puissent venir hiverner dans le sud de la France est une réelle surprise, et cela concerne probablement peu d'individus.

Suite de l'aventure : et si Madame battait son propre record cet automne ?

À quoi s'attendre ? Calendrier

Image
Bécassine des marais (E. Roger, F.Dupont)
Bécassine des marais (E. Roger, F. Dupont)

Si Mme Bécassine 954 est arrivée à destination, elle va rester dans cette zone humide pour nicher et élever sa progéniture pendant l'été. Si tout se passe bien, elle entamera le trajet retour au début de l’automne vers septembre-octobre, après avoir renouvelé son plumage.

À partir de mi-juin, les transmissions de localisations par les balises s’espacent pour économiser la batterie : une prise de position par semaine jusqu’à mi-septembre. Ensuite elles repasseront à 2 par semaine pour détecter et caractériser au mieux le trajet retour.

La carte des déplacements, auparavant actualisée chaque semaine, le sera désormais en cas de mouvement significatif. Par exemple si des oiseaux changent de site de reproduction, ou si des premiers mouvements de retour vers la France sont détectés.
 

L'enjeu du trajet d'automne : le retour peut surpasser l'aller

Grâce au suivi de quelques trajets de migration d’automne, il est apparu que certains oiseaux font des distances encore plus grandes à l’automne qu’au printemps, en descendant vers l’Espagne notamment.
Si sa balise reste en place suffisamment longtemps, cette bécassine pourrait donc battre son propre record cet automne !

Image
Bécassine des marais en vol avec balise GPS/argos, projet Balise (Landry Boussac,2018)
Projet Balise (L. Boussac, 2018)

L'inconnue : pourra-t-on suivre ce fameux trajet du retour ?

En effet la balise étant alimentée par une simple batterie, le matériel utilisé est conçu pour tenir seulement les quelques mois correspondants à sa durée de focntionnement. Le système d’attache, un harnais de fixation, est peu robuste : l’oiseau se libère de son sac à dos approximativement lorsque batterie est épuisée.

Ainsi la plupart des balises tombent avant le trajet de retour. Mais la rupture du système d’attache n’est pas une science exacte et certaines balises sont restées en place pendant 1 an, voire plus. C'est ce qui permis d'engranger de nouvelles données lorsque les balises émettaient toujours au moment de la migration d'automne.

Cette pause va maintenir le suspense, plusieurs questions se posent dont certaines passionnantes !

  • Mme Bécassine 954 va-t-elle arriver à l'automne en bonne santé ?
  • Sa balise sera-t-elle en place et avec suffisamment de batterie pour transmettre son départ ? Et tenir jusqu'à son arrivée ?
  • Va-t-elle aller encore plus loin ? Le site de sa capture à Vauvert était-il son point de départ et donc son lieu d'hivernage ou seulement une étape ?

Pour le savoir : rendez-vous à la rentrée sur le projet Balise !

Sprinteuse ou marathonienne ? La suite de l'étude sera consacrée à l'analyse des trajets

Au cours de cette migration prénuptiale, le projet a déjà montré les années précédentes que des trajets longue distance pouvaient être enchaînés très rapidement : à certains moments elles ne perdent pas de temps ! Mais les bécassines des marais font bien entendu des haltes, notamment les individus parcourant de longues distances.

C’est un des objectifs de l’étude : caractériser la migration avec la durée, les distances, les haltes, le temps mis pour chacune de ces composantes et les liens avec les conditions météorologiques rencontrées.

Le projet se trouve à la charnière de 2 étapes

  • La phase de récolte des données se termine cette année, il est d'autant plus intéressant d'avoir ce parcours exceptionnel pour cette dernière session.
  • La phase d'exploitation de ces données démarre pour analyser en détail tous les éléments de ces nombreux trajets. Cela devrait conduire à de nouvelles connaissances, améliorant ainsi la compréhension des flux migratoires de la Bécassine des marais.

Des premiers résultats et des questions

À l'issue des analyses, les résultats seront valorisés et mis à disposition.
À noter : les bilans synthétiques annuels sont déjà accessibles et celui de la session 2021 vient de paraître.
 

Image
Cumul des localisations reçues sur les 6 années du projet Balise - Bécassines des marais (OFB, juin 2022)

Les interrogations scientifiques en quêtes de réponses

  • Quels sont les facteurs qui déclenchent les départs en migration ?
  • Qu’est-ce qui détermine leur itinéraire ?
  • Où se situent les principales zones de reproduction?
  • Les bécassines utilisent-elles le même chemin au printemps et à l’automne ?

Aller plus loin

Étude de la migration prénuptiale des Bécassines des marais - Projet Balise | Page éditoriale

Depuis 2017, le projet Balise a pour objectifs l’identification des zones de reproduction des Bécassines des marais hivernant en France et l’étude du déroulement de leurs migrations.

Becassines-marais-Balise

Bécassine des marais (Gallinago gallinago) | Fiches Espèces | juin 2022

Les bécassines des marais sont de petits échassiers, dits limicoles, au bec démesurément long. Pesant 100 grammes environ, ces oiseaux migrateurs parcourent des milliers de kilomètres entre leurs zones de reproduction et d'hivernage.

Bécassine des marais