Écoconcevoir les projets de parcs solaires photovoltaïques au sol

La filière solaire photovoltaïque présente différentes technologies lui permettant d'être déployée sur des supports aussi variés que les toitures ou les milieux naturels (terrestres, aquatiques ou marins). Leur empreinte environnementale varie donc fortement au cas par cas. Pour cette filière d'énergie renouvelable (ENR), tout l’enjeu réside donc dans le choix des sites d’implantation des projets et la conception des parcs de "moindre impact". 

À l’heure actuelle, la filière photovoltaïque au sol constitue l’une des ENR dont le déploiement territorial présente la plus forte dynamique. En juin 2024, sa capacité installée était de 22,2 GW. Elle devrait doubler d’ici 2030 et tripler d’ici 2035 (Programmation pluriannuelle de l'énergie - PPE). Selon le projet de PPE 3, la répartition des futurs projets par modes de déploiement devrait être :

  • toitures :
    • 55,0 % sur petites et moyennes toitures,
    • 10,5 % sur grandes toitures ;
  • sol :
    • 10,0 % sur petites installations,
    • 24,5 % sur grandes installations (dont agrivoltaïsme).

Le développement des parcs solaires photovoltaïques au sol mobilise beaucoup de foncier et de ressources naturelles, dont la consommation peut engendrer, au cas par cas, de fortes pressions sur la biodiversité.

Image

La conciliation des objectifs de l’État en matière de déploiement des centrales solaires photovoltaïques au sol, avec ceux de préservation de la biodiversité, constitue de fait un enjeu crucial. Il s’agit en effet de veiller à ce que le déploiement des ENR contribue à l’atténuation des effets du changement climatique sur la biodiversité, sans lui nuire par ailleurs.

Image
Panneaux solaires orientables proches d'un méthaniseur agricole dans les Vosges en 2024 (Philippe Massit, OFB)

L’Office français de la biodiversité (OFB) est mobilisé avec l’Agence de la transition écologique (Ademe) et d’autres partenaires pour :

  • développer la connaissance scientifique et technique des incidences potentielles que peut générer cette filière énergétique sur la biodiversité et des solutions de remédiation possibles ;
  • accompagner l’ensemble de la chaîne d’acteurs concernée, par la mise à disposition d’outils d’aide à la décision et à l’intégration de la biodiversité dans les pratiques de chacun.

Ainsi de nombreuses actions ont été menées : identification des leviers d’action par catégories d’acteurs, programmes de recherche scientifique, production de guides et outils d’accompagnement des collectivités territoriales, des développeurs de centrales, des bureaux d’études, etc. L’objectif est d’accompagner l’ensemble de la chaîne d’acteurs (financeurs, État, collectivités territoriales, développeurs...) dans le déploiement de ces infrastructures énergétiques en cohérence avec les objectifs de préservation voire de reconquête de la biodiversité.

Leviers d’action : des initiatives internationales sources d’inspiration pour la France

Une étude réalisée par l’OFB et Price Water-house Cooper (PWC) identifie et analyse 80 leviers internationaux d’intégration de la biodiversité dans les projets d'ENR. Il s’agit de leviers adaptés aux au grand public et aux collectivités territoriales (leviers socio-cognitifs), ou plus spécifiquement aux financeurs (leviers économiques) ou aux développeurs et services de l’Etat (leviers technico-régaliens).

À noter : le nouveau site web de l’Observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité est à venir en 2025

Les ressources citées ci-dessous émanent de projets soutenus financièrement ou développés par l’OFB. Le site web de l'observatoire permettra de consulter une documentation plus exhaustive en matière de caractérisation des incidences ou de solutions d’atténuation à développer.

Des pressions et incidences potentielles à la caractérisation des impacts réels : un approfondissement des connaissances en cours

Les parcs solaires photovoltaïques constituent des infrastructures énergétiques "hors sol" dont les incidences sur la biodiversité varient au cas par cas, en fonction de la nature des sites d’implantation des projets et des modalités techniques de réalisation des chantiers, puis de conception et d’exploitation des parcs. Les pressions engendrées sur la biodiversité peuvent émaner :

  • du chantier : terrassement et aplanissement potentiel des sites équipés, création de pistes d’accès et de circulation des engins provisoires, plateformes techniques, base vie… ;
  • des installations et activités nécessaires au fonctionnement du parc, dont :
    • les modules solaires, dont la nature et l’intensité des pressions varie en fonction de la surface totale équipée, du plan de masse, de la nature et des modalités d’ancrage et de raccordement électrique des modules solaires,
    • les clôtures,
    • le réseau de câbles électriques,
    • les plateformes techniques, pistes d’accès et de circulation des engins, voies de raccordement électriques,
    • la gestion de la végétation au sein du parc et des éventuelles bandes d’obligations légales de débroussaillement (OLD) : défrichement puis gestion de la végétation visant à limiter le risque d’incendie, l’ombrage sur les panneaux solaires, le dépôt de poussières ou pollens, etc.

Ces pressions modifient potentiellement les conditions d’habitats de la faune et de la flore sauvage initialement présentes et sont susceptibles d’engendrer au cas par cas, les impacts suivants :

  • altération, dégradation voire destruction des habitats au droit des emprises du parc et des OLD,
  • perte d’habitat par aversion (évitement du site d’implantation des parcs par certaines espèces),
  • fractionnement des milieux naturels et altération des mouvements migratoires (création d’un exclos, effet "barrière"),
  • mortalités par création de pièges écologiques.
Image

Bilans actualisés de la connaissance des incidences

Des états des lieux réguliers de la connaissance scientifique des incidences des parcs solaires photovoltaïques sur la biodiversité sont proposés par l’OFB ou ses partenaires.

Caractérisation des incidences : harmoniser les protocoles d’acquisition des données par les développeurs

Afin d’harmoniser les protocoles d’acquisition des données collectées lors du processus d’évaluation environnementale, l’OFB, l’Ademe et les syndicats SER et Enerplan ont lancé en 2024 l’étude BIODIVoltaïque. Celle-ci devrait faciliter l’acquisition de connaissances scientifiques robustes en matière d’impacts des centrales solaires photovoltaïques au sol et flottantes sur la biodiversité d’une part, et d’effectivité des mesures de réduction ou de compensation d’autre part. Elle proposera :

  • des protocoles standard de caractérisation de différents groupes taxonomiques,
  • et un cadre harmonisé d’exploitation des données collectées,
  • avec une publication des résultats attendue fin 2025.

À noter, le projet BIODIVoltaïque :

  • n’a pas vocation à standardiser les modalités de réalisation d’un état initial ni d’évaluation de leur sensibilité environnementale, mais à harmoniser les protocoles d’étude de différents groupes taxonomiques,
  • se concentre sur les protocoles les plus adaptés au processus d’évaluation environnementale. Un tronc commun sera proposé, auquel d’autres protocoles pourront être ajoutés en fonction des enjeux propres à chaque site,
  • s’inscrit dans la continuité du programme « Photovoltaïque et biodiversité » initié par le SER et Enerplan et suivi dans sa seconde phase par l’Ademe et l’OFB. L’objectif de ce programme est d’acquérir de la connaissance sur les incidences des parcs solaires photovoltaïques au sol sur la biodiversité, via la valorisation des données produites par les développeurs avant et après mise en service de leurs parcs.

Incidences sur la végétation

Suite à la carte systématique de l’état des lieux des connaissances relatives aux incidences des parcs solaires photovoltaïques sur la biodiversité (Lafitte et al., 2023), Patrinat a approfondi le projet Solaire-PB par une meta-analyse des données disponibles pour évaluer les incidences sur les communautés végétales. Même si le nombre de données restent encore limité, les résultats montrent une diversité végétale significativement inférieure sous les panneaux par rapport à l’inter-rang.

Risques d’incidences sur les zones humides

Depuis 2024, l’OFB et l’Inrae coopèrent pour caractériser les risques d’incidences des parcs solaires photovoltaïques sur les zones humides, via le projet de recherche Hydrindic-ENR. Une quinzaine de centrales solaires photovoltaïques au sol sont suivies jusqu’en 2027. Leurs effets sur le fonctionnement hydrologique et les sols humides sont étudiés à l’aide notamment de l’indicateur Hydrindic.

Risques d’incidences sur les oiseaux

Les différentes pressions engendrées par les centrales solaires photovoltaïques au sol sur les sites d’implantation des projets sont susceptibles de modifier les conditions d’habitats pour les oiseaux. 

Image
Périmètres des lauréats à l'APR Envoltaïque : projets Icare et Envoltaïque Sud-Est (fonds de carte issu de Chiffres clés des énergies renouvelables, 2023, SDES)

Afin de caractériser ce risque d’incidences et d’évaluer l’effet potentiel du design des centrales, l’Ademe et l’OFB se sont associés pour créer l’appel à projets de recherche ENVOLtaïque, dont deux éditions ont eu lieu (2023 et 2024).
Deux projets ont été sélectionnés : ENVOLtaïque Sud-Est puis Icare - Interactions des communautés avifaunistiques avec les réseaux énergétiques. Ces deux études utilisent la même méthode, le but étant de recueillir des données comparables entre elles.
Au total, 45 centrales réparties du Nord-Ouest au Sud-Est de l’Hexagone sont suivies (cf carte).

Afin de prendre en compte la variabilité temporelle naturelle des communautés d’oiseaux, les données sont collectées pendant 5 ans. Les premières analyses sont attendues à mi-parcours, début 2027.

Incidences sur les chauves-souris

Afin de caractériser les incidences potentielles des parcs solaires photovoltaïques au sol sur les chauves-souris, l’OFB et la Compagnie nationale du Rhône (CNR) ont financé en 2022 le programme de recherche et de développement PV-Chiros. Ce programme, mis en œuvre par la Ligue pour la protection des oiseaux Auvergne Rhône-Alpes (LPO Aura) avec l’appui scientifique du MNHN présentait deux grands objectifs :

  • mieux comprendre les interactions des parcs solaires photovoltaïques au sol avec les chauves-souris ;
  • proposer de premières recommandations techniques visant une meilleure prise en compte de ces espèces tout au long du cycle de vie d’un parc solaire, de la conception à l’exploitation en passant par la recherche de foncier, ou la construction.

Un comportement d’aversion des chauves-souris vis-à-vis des parcs solaires photovoltaïques ayant été démontré en France comme à l’international, une seconde étude intitulée Chiroltaïque (2024-2027) vise à identifier les mécanismes liés à la conception des parcs susceptibles d’influencer ce comportement et à préciser les modalités éventuelles d’atténuation de ces incidences. Cette étude, financée par l’OFB, est réalisée par le bureau d’études Asellia avec l’appui de Faunova, du MNHN, de l’Ademe, de la Dreal PACA, d’Auddicé Biodiversité et de la LPO Aura.

Incidences à l’échelle du territoire

La prise en compte des incidences nécessite de développer une évaluation plus intégrée, à l’échelle du territoire

Le projet Agrieli (2025-2028), sélectionné dans le cadre du programme Ittecop, interroge les relations entre les infrastructures de production d’ENR (agrivoltaïsme et méthanisation) et l’agriculture et étudiera comment cette relation peut maintenir la biodiversité et fournir de multiples services écosystémiques.

Différentes solutions : priorité à l'évitement, puis à l’atténuation des impacts

Des solutions d’atténuation de certaines de ces incidences se développent, dont certaines s’appuient sur les principes de l’écovoltaïsme, basé sur ceux de l'écoconception.

Choix des sites d’implantation des projets : des outils d’appui à l’identification des sites écologiquement sensibles

La première solution d’atténuation des risques d’incidences consiste à éviter la construction d'infrastructures au sein ou à proximité de zones écologiquement sensibles, à fort enjeu de conservation (aires protégées, routes migratoires, forêts, zones humides, etc.).
La planification territoriale joue donc un rôle essentiel dans l’identification des zones de moindre impact, de même que le choix des sites d’implantation des projets par les développeurs.

Les parcelles susceptibles d’être concernées par l’implantation de centrales solaires photovoltaïques au sol peuvent présenter des enjeux écologiques – dont de préservation de la biodiversité - plus ou moins élevés selon les cas, qu’elles soient artificialisées, en friches ou naturelles.

Cette "sensibilité environnementale" peut être justifiée au regard :

  • des espèces végétales ou animales ou des habitats présents, 
  • de leurs fonctions écologiques : régulation des processus d’érosion des sols, stockage du Carbone, corridors de déplacement de la faune, habitats nécessaires au déroulement du cycle de vie des espèces, etc.,
  • ou des services qu’ils rendent à la société : régulation du climat et des débits, protection contre l’érosion des sols et les crues, épuration de l’eau, production de ressources alimentaires, tourisme, etc.

Afin d’accompagner les acteurs dans le choix des sites de "moindre impact", différentes études ont été réalisées ou cofinancées par l’OFB. Elles mettent à disposition des cartes contribuant à l’identification des zones écologiquement sensibles à éviter en priorité.

Image

Exemples des zonages environnementaux à intégrer dans l’évaluation de la sensibilité environnementale des sites potentiels des sites potentiels d'implantation des projets

Identification des zones d'accélération des ENR terrestres (2023-2025) : zonages exclus ou nécessitant l'avis du gestionnaire

Dans le cadre de l’identification des zones d'accélération des ENR terrestres (ZAENR) prévue à la loi n°2023-175 du 10 mars 2023, l’OFB a rassemblé sur une interface cartographique l’ensemble des zonages environnementaux à prendre en compte.

Initialement créée à l’intention des collectivités territoriales, elle peut également accompagner les développeurs dans l’identification des sites écologiquement sensibles à éviter en priorité. Elle permet de visualiser facilement les différents types de zones d'exclusion ou nécessitant au préalable l’avis du gestionnaire.
Retrouver tous les détails dans la partie consacrée au Déploiement territorial sur la page présentant le cadre global lié aux ENR.

Compléments : inventaire et études sur les friches, zones délaissées ou propices

Solutions d’atténuation des incidences : des recommandations techniques et scientifiques en développement

Des premiers retours d’expériences aux principes de l’écoconception

Les impacts des parcs solaires photovoltaïques sur la biodiversité commençant à être caractérisés, des mesures d’atténuation de ces incidences sont testées. 

Approche visant à définir les modalités techniques d’écoconception de ces infrastructures énergétiques : 

Synthèses des bonnes pratiques et des principes de l’écovoltaïsme :

En complément, le projet de synthèse ESEB (financé par le programme Ittecop et sélectionné par le Cesab) réalisera un bilan des preuves scientifiques en matière de bonnes pratiques à l’échelle européenne (France, Royaume-Uni, Allemagne, Hongrie…) .

Atténuer le fractionnement des milieux naturels

Un fractionnant des milieux naturels et une altération des corridors de déplacement de la faune sauvage peut découler de la mise en place de clôtures tout autour des installations solaires photovoltaïques. Des alternatives ou mesures d’atténuation sont possibles. 

Un guide technique des bonnes pratiques en matière de contention périmétrale de ces infrastructures énergétiques dresse un bilan de la connaissance scientifique et technique des incidences générées par les clôtures sur la biodiversité, et propose des solutions de remédiation possibles.

Atténuer les incidences sur les chauves-souris

Dans le cadre du projet PV-Chiros, le guide technique élaboré fournit des recommandations relatives à la prise en compte des chiroptères tout au long du cycle de vie d’une centrale photovoltaïque solaire. S’appuyant sur une démarche collective, ce guide propose une synthèse des différents points de vue exprimés par la filière professionnelle, les services de l’État, les associations naturalistes et les bureaux d’études en écologie. Réalisé par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Auvergne Rhône-Alpes, il a été cofinancé et accompagné par l'OFB et la Compagnie nationale du Rhône (CNR), et le soutien scientifique du MNHN.

Avertissement

Ces recommandations n’ont pas de valeur juridique. Elles relèvent de pistes de réflexion qu’il convient d’adapter systématiquement au cas par cas, à l’échelle locale. Par exemple, elles ne se substituent pas à l’état initial et à la caractérisation des enjeux que doivent effectuer les développeurs ou gestionnaires de centrales ou barrages hydroélectriques, lors de l’évaluation de la sensibilité environnementale des sites concernés par leurs projets.