Changements d'usage des terres et mutations agricoles

Les changements d'usages des terres sont considérés comme l’une des premières causes d’érosion de la biodiversité. L’intensification de l’agriculture, très marquée en Europe du Nord, provoque un déclin important de nombreuses espèces.

Dans les régions méditerranéennes, on observe plutôt un abandon progressif de certaines pratiques agricoles comme le pastoralisme, sur des portions importantes du territoire. La recolonisation de ces espaces par la forêt entraîne une perte de biodiversité, notamment de la faune caractéristique des milieux ouverts.

Comprendre les conséquences de ces évolutions est essentiel pour prédire le devenir des espèces et des écosystèmes et pour proposer puis évaluer l’efficacité de mesures agri-environnementales.

Travaux en cours

Influence de l’implantation de bandes enherbées sur les communautés de carabes, auxiliaires de cultures (Parc national de forêts)

Le Parc national de forêts, créé fin 2019, est couvert à 45% par des espaces agricoles, majoritairement en agriculture conventionnelle.

Bande enherbée
Bande enherbée entre deux cultures. © T. Couturier

Ces dernières décennies ont été marquées par une homogénéisation des paysages cultivés au profit de cultures céréalières. Cette homogénéisation s’est accompagnée de l’élimination de nombreux éléments semi-naturels tels que les haies et les bordures enherbées. Or, ces infrastructures agro-écologiques favorisent les auxiliaires de culture tels que les carabes et peuvent représenter ainsi une alternative à l’utilisation massive de pesticides.

Dans cette perspective, des bandes enherbées ont été implantées sur deux parcelles expérimentales. Un protocole visant à vérifier que ces bandes enherbées favorisent les carabes s’y déroulait depuis 2015. Il se basait sur des relevés de pièges Barber puis détermination des individus sous loupe binoculaire. Des données collectées en 2019 ont permis de calibrer un protocole à déployer dans différents contextes paysagers du parc national.

Publication prochaine du rapport.

Sélection des habitats d’alimentation du Crave à bec rouge en période de reproduction dans le sud du Massif central (PN des Cévennes) en lien avec le pastoralisme

Crave à bec rouge
Craves à bec rouge en alimentation © Antoine Herrera

Dans le Parc national des Cévennes, et notamment la région des Grands Causses, on assiste à une densification de la strate herbacée et une dynamique de recolonisation des ligneux en raison des modifications des pratiques d'élevages et un abandon partiel des activités pastorales. 

Ceci pourrait impacter le Crave à bec rouge (Phyroccorax phyroccorax), connu pour s'alimenter en milieux ouverts caractérisés par des pelouses rases pâturées. Des données de végétation ont été collectées à plusieurs échelles spatiales sur les sites d’alimentation. Elles ont permis de caractériser la sélection d’habitat par cette espèce et de prédire les effets de modifications des habitats des Causses sur sa population.

Résultats publiés dans un article scientifique :

Herrera A., Besnard A., Couturier T., Fonderflick J., 2020. Sélection multi-échelles des habitats d’alimentation du Crave à bec rouge Pyrrhocorax pyrrhocorax dans le sud du Massif central. Alauda 88 (2): 81–96

Effets du pâturage sur l’abroutissement des pieds de la Gentiane pneumonanthe et la survie des œufs d’Azuré des mouillères (PN des Cévennes)

L’Azuré des Mouillères (Maculinea alcon alcon) est un papillon classé quasi-menacé sur la liste rouge française. Comme les autres espèces du genre, il possède un cycle de vie complexe et spécialisé. Une pression pastorale modérée est souvent nécessaire pour le maintien de la Gentiane pneumonanthe, unique plante-hôte du papillon.

Azuré
Collecte de données sur gentiane pneumonanthe © Laurette Valleix

L’étude avait pour objectifs d'évaluer comment cette pression pastorale contribue au maintien des pieds de Gentiane pneumonanthe comme habitat de ponte pour Maculinea, mais aussi à la survie des pontes. 

Le protocole se basait sur le suivi de hampes de Gentiane pneumonanthe avec ponte et sans ponte sur une vingtaine de parcelles occupées par l’espèce. Les résultats ont permis de définir des modalités de pâturage (intensité, période) afin de préserver les populations de ce papillon menacé.

Résultats publiés dans un article scientifique :

Moschetti M., Besnard A., Couturier T., Fonderflick J., 2020, Grazing intensity negatively affects the maintenance of Gentiana pneumonanthe and the survival of Phengaris alcon egg-laying. Journal of Insect Conservation 24 (2): 343–351. https://doi.org/10.1007/s10841-020-00220-8

Suivi de l’évolution de la biodiversité du sol pour évaluer les gains environnementaux liés aux changements d’usages agricoles dans le cadre de la mise en œuvre du Plan de gestion durable de l’espace naturel sensible de la vallée de la Trézence en Charente-Maritime

L’Espace naturel sensible (ENS) de la vallée de la Trézence offre une très grande diversité de milieux et est identifié comme réservoir de biodiversité dans le Schéma régional des continuités écologiques (SRCE). En 2017, le Département a lancé la construction d’un « plan de gestion durable » du site, pour la préservation des ressources en eau, la biodiversité, et le maintien du tissu socio-économique. Après trois ans de co-construction avec les acteurs du territoire, le plan a été adopté en décembre 2019 pour une durée de dix ans.

Espace naturel sensible de la Vallée de la Trézence
ENS de la Vallée de la Trézence © Thibaut Couturier

L’un des objectifs du plan de gestion durable est de mettre en place un zonage agri-écologique avec la conversion de cultures en prairies (+ 100 ha d’ici 2020) et la préservation d’un secteur naturel de 80 ha.

En termes de suivi, l’une des actions consiste à créer un réseau d’observation des changements d’usages et de pratiques agricoles et de leur impact sur la biodiversité du sol.
Les effets de la conversion de parcelles cultivées en prairies seront mesurés sur plusieurs taxons représentatifs de la biodiversité du sol.

Une étude-pilote des variations spatiales d’abondance et de biomasse des communautés de lombrics a été réalisée en 2021 sur une cinquantaine de parcelles de culture et de prairies qui présentaient différentes caractéristiques pouvant influencer ce taxon. Les résultats obtenus permettront de guider la stratégie d’échantillonnage pour plusieurs taxons représentatifs de la biodiversité du sol.

Analyse des données en cours (au 1er janvier 2022).