Connaître la haie et le bocage, leurs composantes et les enjeux

Qu'est ce qu'une haie ou un bocage ? Ces mots recouvrent des éléments précis mais variés et complexes, avec une dynamique liée à l'histoire de nos paysages agricoles, une richesse écologique et fonctionnelle importante à la fois pour son propriétaire, la société et la biodiversité. Soumis à différentes pressions et menaces, ces boisements linéaires et les paysages associés font l'objet de cartographies et de dispositifs de suivi, ainsi que de sensibilisation pour mieux les faire connaître et mieux les gérer.

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Figure 1. Représentation d'un paysage de bocage (Edeo, dans le Comprendre pour agir, 2023, OFB)

Haie et bocage : qu'es aquo ?

Les définitions de ces boisements linéaires particuliers

Haie : élément linéaire du paysage composé d’arbres, d’arbustes, de plantes herbacées formant plusieurs étages de végétation, souvent créé et géré par les humains, dont l’aspect dépend de la région, du sol et du climat, du contexte agricole, des espèces la composant, des pratiques d’entretien et de gestion, des usages locaux. Elles constituent un habitat ou un refuge pour certaines espèces animales.
Les haies peuvent également prendre place le long de cours d’eau, nommées ripisylves.

Bocage : paysage constitué de parcelles entourées par des haies, interconnectées en un réseau fonctionnel aussi appelé « maillage » de haies, et composé d’une trame dense et riche d’habitats (mares, boisements, ruisseaux, fossés, prairies, parcelles cultivées...).
Ainsi bien des cas de figure sont possibles, depuis les zones bocagères à haies simples sans talus du Massif Central, jusqu’aux parcelles exiguës avec un maillage serré bordées de haies de certains secteurs de la Basse-Normandie.

Le bocage : un paysage composé d’éléments structuraux

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Haies et bocages (J.-L. Aubert, OFB)

Il existe de nombreuses typologies, selon :

  • le type de clôtures ou de parcelles entourées,
  • les espèces d’arbres dominantes,
  • la forme et la dimension des mailles, la répartition spatiale des haies,
  • l’histoire de la répartition de la densité des haies et l’origine du bocage.

De nombreux auteurs (Baudry et Burel, 1985 ; Burel, 1990 ; Coutel, 1992...) soulignent l'importance de ne pas se limiter à l’unique notion de maillage, mais de prendre aussi en considération la structure des haies de ce maillage. Ils insistent sur l’hétérogénéité du réseau bocager.

Le bocage se caractérise également par :

  • la composition spécifique des haies et notamment la diversité floristique, des haies principalement mais aussi des cultures,
  • la trame d'habitats présents : mares, boisements, ruisseaux, fossés, prairies, parcelles cultivées...,
  • des conditions climatiques propres,
  • et une interpénétration des zones d’inculture et de culture. Ces dernières sont variées : les bocages sont traditionnellement des zones de polyculture-élevage, associant prairies permanentes et cultures fourragères, céréalières ou sarclées.

Historique et dynamique de l'évolution en France

L’origine du bocage est très ancienne, et peut remonter à l’âge de fer. Il se développe en France au XVIe siècle : alors très répandue dans l’ouest, la haie marque les limites de propriété et d’exploitation. Elle fournit bois de chauffage, bois d’œuvre et fruits.
Son extension est très marquée à partir du XVIIIe siècle, époque à laquelle l’essor démographique, d’une part, et la disparition des propriétés nobiliaires, d’autre part, ont nécessité le partage des communaux et des grands domaines (Flatres, 1976 ; Meynier, 1976).

Dès la 1re guerre mondiale, le barbelé fait son apparition, et les haies perdent progressivement leur fonction primaire de clôture. À partir des années 1950, les paysages agricoles évoluent fortement : recul des fermes de polyculture-élevage (glossaire), spécialisation agricole des régions, mécanisation, remembrements, intensification des pratiques, accroissement des zones urbanisées, conduisent à de nombreux arrachages. Depuis, les haies françaises ne cessent de reculer.
Le changement climatique, les maladies arboricoles, le non remplacement de haies vieillissantes, etc., y contribuent aussi.   

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Évolution du maillage bocager aux alentours de Bouvron (44) entre 1952 et 2022 (IGN). Photos aériennes prises de 1952 et 2022, (échelle 1/20 000e,  IGN)

Quelques chiffres

  • Depuis l’apogée du bocage de 1850 à 1930 et les années 2000 (Pointereau et Coulon, 2006) :
    • 70 % des haies ont disparu en France
    • = 2 millions de km,
    • = plus de 50 fois le tour du monde.
  • Entre 2017 et 2021, le rythme de disparition « nette », programmes de plantation compris, est estimé à :
    • 23 500 km/an, soit une perte 6 fois supérieure au linéaire replanté chaque année.
    • Ce rythme a doublé comparé à la période 2006- 2014.

 

Photos aériennes ci-contre
Évolution du maillage bocager aux alentours de Bouvron (44) entre 1952 et 2022 (IGN).

Une richesse écologique mais aussi pour leurs propriétaires et la société

Que nous apportent les haies et le bocage ? | Page éditoriale

Élément-clef de la transition agroécologique, les haies (et plus largement l’agroforesterie) sont un atout majeur pour l’agriculture, ainsi que la préservation de la biodiversité et des paysages. Elles offrent tous ces bénéfices lorsqu’elles sont pleinement fonctionnelles : amélioration de la production agricole, atténuation des effets du changement climatique, captage et stockage du carbone, épuration de l’eau, lutte contre l’érosion des sols…

Vaches cherchant l'ombre d'une haie dans le Calvados (Xavière Grosbois, OFB)

Identifier, cartographier et suivre les boisements linaires et paysages associés

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Densité des haies en France, 2020 (Dispositif national de suivi des bocages, OFB-IGN)_2020_OFB-IGN.png

Le dispositif national de suivi des bocages OFB/IGN

L'objectif du dispositif national de suivi des bocages (DNSB) est de cartographier les différents types de bocages de France, en considérant par exemple la densité de haies, le taux de prairies permanentes et la surface en forêt.
Cette cartographie à l’échelle des paysages permettra de proposer un plan d’échantillonnage et un protocole standardisé de suivi sur le terrain de l’état des écosystèmes présents dans les bocages. Par exemple, en fonction de leur gestion, les haies des territoires français seront plus ou moins basses, plus ou moins larges en leur base, ce qui va impacter la biodiversité.

Depuis plusieurs années, une première cartographie des haies est disponible à l’échelle de la France métropolitaine, pour chaque département et région administrative. La France y est découpée en carrés de 1 km de coté (référentiel INPN), hormis certaines métriques paysagères calculées différemment pour les départements les plus bocagers, le "grain bocager". Ces données permettent des analyses visant à caractériser le lien entre structure du paysage et biodiversité et à éprouver certaines métriques en tant qu’indicateurs de certaines fonctionnalités des paysages bocagers.

À noter : cette première couche de données sera actualisée fin 2023, et régulièrement par la suite.

    Aller plus loin

    Les données et cartographies disponibles

    Accéder aux données du DNSB

    Cartothèque de l'Office français de la biodiversité

    La cartothèque OFB en ligne | Application, dataviz et autres outils web | octobre 2020

    Outil web ouvert à tous, la cartothèque permet de rechercher, consulter et télécharger l'ensemble des cartes produites par l’Office français de la biodiversité (OFB) dans les domaines de l’eau, des milieux marins et de la biodiversité. 1 700 cartes sont aujourd’hui disponibles.

    2020_Cartotheque_OFB

    Références - aller plus loin

    • Sophie Morin Pierre Chatelon (OFB), dossier La haie : enjeux écologiques, revue Biodiversité, des clés pour agir, OFB,  n° 1, avril-juin 2022, p. 18-39
      • Les haies, alliées indispensables de la transition agroécologique
      • Le dispositif national de suivi des bocages : une approche multi-échelle pour évaluer, comprendre et agir
      • Florilège normatif autour de la protection des haies : l'opulence rime-t-elle vraiment avec efficience ?
      • Les bonnes pratiques de plantation et de gestion des haies
      • Valoriser ses haies, un équilibre pour bien les entretenir
    • Sophie Morin, Loïc Commagnac, Fabienne Benest. Bocage : état des lieux en France et retours d'expérience. Caractériser et suivre qualitativement et quantitativement les haies et le bocage en France. Sciences Eaux & Territoires, 2019, 30, pp.1-6.
    • Philippe Pointereau et Frédéric Coulon (Solagro), 2006, La haie en France et en Europe, évolution ou régression, au travers des politiques agricoles, Premières rencontres nationales de la haie champêtre.
    • Coutel J.-P., 1992. Contribution à l'analyse de la biomasse arborescente du bocages de l'Avesnois (59). Thèse de Doctorat, Université de Rennes, 162 p.
    • Burel F., 1990. Peuplements et structures spatiales des bocages. Les micromammifères bocagers. Dans "Actes du XIIe colloque francophone de mammalogie de la SFEPM, octobre 1988, p. 16-23.
    • Baudry J. et Burel F., 1985. Système écologique, espace et théorie de l'information. Dans Berdoulay V. et Philipps M. (eds). Paysage et système, presses de l'université d'Ottawa, p. 87-102.
    • Meynier A., 1976. Typologie et chronologie du bocage, dans "Les bocages, histoire, écologie, économie", colloque international Inra, Ensa et université de Rennes, juillet 1976, p. 66-67.
    • Flatres P., 1976. Rapport de synthèse, , dans "Les bocages, histoire, écologie, économie", colloque international Inra, Ensa et université de Rennes, juillet 1976, p. 21-30.

    Glossaire

    Adventice : plante poussant dans un milieu aménagé (champ, massif…) sans y avoir été intentionnellement introduite.

    Afafe : redécoupage et redistribution des parcelles cadastrales à l’échelle communale ou intercommunale, permettant de regrouper et de restructurer des propriétés foncières, principalement agricoles, qui étaient morcelées et disséminées.

    Andain : Alignement d'herbe, de foin ou de céréales que le faucheur ou la machine laisse au fur et à mesure qu'avance le travail.

    Auxiliaire de culture : au sens large, organisme vivant fournissant des services écosystémiques facilitant la production agricole, et pouvant remplacer tout ou partie du travail et des intrants apportés par l’agriculteur : microorganismes et invertébrés antagonistes de bio-agresseurs, vertébrés (certains oiseaux, mammifères et amphibiens), insectes pollinisateurs.
    Dans un sens plus restreint : organismes qui de par leur mode de vie, développement et/ou alimentation, régulent les populations de ravageurs de culture.

    BCAE 8 (Bonnes conditions agricoles et environnementales 8) : concerne la part minimale de la superficie agricole consacrée à des zones ou des éléments non productifs, le maintien des éléments topographiques du paysage, l’interdiction de couper les haies et les arbres pendant la saison de nidification.

    Caduc (feuillage) : qui tombe à l’automne

    Corridor : terme d’écologie du paysage, élément linéaire d’occupation du sol de physionomie singulière au regard des éléments voisins.

    Eco-régime : programmes pour le climat et l’environnement dans le premier pilier de la PAC

    Émonde (arbre d’) : arbre dont ont été supprimées toutes les branches du tronc, en laissant intacte la partie la plus haute de la cime.

    Fonctionnalité : capacité à remplir certaines fonctions. Le niveau de fonctionnalité de la haie peut être vu comme son potentiel d’utilisation par les espèces. Il dépend notamment de la composition, de l’environnement et de l’âge de la haie, et répond à plusieurs critères :

    • connectivité : insertion dans un réseau de haies et/ou de zones boisées, avec connexions ;
    • environnement paysager : proximité d’une mare, insertion dans un contexte prairial (paysage bocager) ... ;
    • degré de sénescence : certaines espèces (oiseaux, chauves-souris, insectes...) ont besoin, pour accomplir leur cycle biologique, d’arbres suffisamment âgés, qui peuvent leur fournir habitat (fissures, cavités) et nourriture.
    • modalités d’exploitation et de gestion de la haie : le mode de gestion appliqué et le nombre d’espèces présentes sont directement corrélés. Une gestion douce maintenant une diversité d’habitats permettra l’installation d’un plus grand nombre d’espèces. En outre, une haie ancienne libre offre de nombreuses niches écologiques, elle est donc susceptible d’accueillir une richesse biologique plus importante.

    Au-delà de cette fonction écologique, les haies présentent un intérêt pédagogique et de loisir, paysager, agricole, économique. On parle de multifonctionnalité de la haie.

    Houppier : partie supérieure d’un arbre.

    Polyculture-élevage : système de production agricole combinant une ou plusieurs cultures destinée(s) à la vente et/ou à l’alimentation des animaux, et au moins un élevage. Un tel système tend vers l’agroécologie lorsque les animaux sont alimentés par les cultures et prairies, lesquelles sont fertilisées en retour par leurs déjections. La polyculture-élevage peut se définir à l’échelle d’une exploitation agricole ou entre exploitations agricoles (au moins deux ou un collectif) se coordonnant pour la gestion de flux de matières (grain, fourrage, effluent) ou via une organisation économique (par ex. une coopérative) gérant ces flux.

    Produits phytopharmaceutiques : substances ou préparations chimiques contenant un ou plusieurs actifs destinés principalement à protéger les végétaux contre les organismes nuisibles (insecticides, fongicides, herbicides, anti-limaces, inhibiteurs de germination…)

    Recépage : Technique de taille destinée aux arbres de haut-jet (chênes, frêne, merisier, noyer...) et aux espèces arbustives hautes (érables, charme, alisier...). Elle consiste à couper la tige de l’arbre au-dessus du collet situé à sa base pour développer la repousse de plusieurs tiges. L’ensemble des rejets se développant sur la souche d’un arbre recépé l’appelle la cépée.

    Service écosystémique : bénéfices que les hommes obtiennent des écosystèmes (Millemium ecosystem assessment, 2005)

    Arbres têtards : le profil typique de ces arbres est dû à leur mode de taille traditionnel qui permet, par un recépage en hauteur périodique, d’exploiter du petit bois (chauffage) et le feuillage (fourrage) sans les tuer. Les branches doivent être récoltées manuellement à la tronçonneuse, et suffisamment fréquemment, sans quoi leur poids peut faire éclater le tronc ! L’entretien durable d’un alignement d’arbres têtards nécessite d’en créer régulièrement de nouveaux pour assurer ou roulement, et éviter la déstructuration de la haie. Les détruire est préjudiciable, car ils constituent un habitat de reproduction recherché par des espèces cavernicoles comme le pigeon colombin. Le chêne, le frêne, le châtaignier, le saule, sont des essences couramment trouvées parmi les têtards.