Que nous apportent les haies et le bocage ?

Élément-clef de la transition agroécologique, les haies (et plus largement l’agroforesterie) sont un atout majeur pour l’agriculture, ainsi que la préservation de la biodiversité et des paysages. Elles offrent tous ces bénéfices lorsqu’elles sont pleinement fonctionnelles : amélioration de la production agricole, atténuation des effets du changement climatique, captage et stockage du carbone, épuration de l’eau, lutte contre l’érosion des sols… Au cœur des paysages ruraux et du fonctionnement des écosystèmes agricoles, le bocage rend de nombreux services à nos sociétés.

De nombreux atouts pour l’exploitant et/ou le propriétaire...

Selon les régions, l'utilité des haies est perçue différemment en fonction des principaux besoins spécifiques au contexte, par exemple la protection contre le vent en Bretagne, production de bois dans l’Avesnois... (Coutel, 1992).

Soutien à la production agricole 

Une perte de production est généralement constatée dans les premiers mètres bordant une haie, mais un gain est observé à l’intérieur de la parcelle (jusqu’à 20 %), notamment en raison de son effet brise-vent jusqu’à 20 fois la hauteur de la haie (Burel, 2021 ; Vézina, 2001 ; Baudry et al., 2000). 

Image
Image
Vaches cherchant l'ombre d'une haie dans le Calvados (Xavière Grosbois, OFB)

Grâce à l’effet microclimatique bocager, les haies contribuent (en conditions non extrêmes) au bien-être des animaux d’élevage en les protégeant des intempéries et de la chaleur, améliorant ainsi les rendements (lait, viande). Les haies abritent en outre de nombreux auxiliaires de culture qui participent à la lutte biologique.

Limitation de l’érosion des sols, et protection des cultures

L’effet brise-vent des haies a pour autre avantage d’éviter les turbulences, les haies de feuillus en particulier : elles réduisent l’évaporation et la dérive de produits phytopharmaceutiques entre parcelles voisines. Les haies placées le plus perpendiculairement aux pentes freinent également le ruissellement.

Par ces deux facteurs combinés, les haies limitent l’érosion des sols.

Productions ligneuse et non ligneuse

Les haies fournissent des matières premières au usages variés : piquets (châtaigniers), bois d’œuvre, bois de chauffage, litière alternative et fourrage pour les animaux, fruits... (voir partie Valoriser)

Image
Chouette hulotte perchée dans un arbre (Caroline Le Goff, OFB)

... Mais aussi pour la société !

Accueil de biodiversité

Les haies sont des boisements linéaires indissociables et en interaction avec les espaces environnants : forêts, prairies, cultures et zones humides notamment. Elles constituent à la fois :

  • l’habitat de certaines espèces, zone d'alimentation, repos..., le bocage maintien les équilibres interspécifiques, et favorise notamment la diversité des vers de terre et des communautés de champignons mycorhiziens,
  • et un véritable réseau autoroutier permettant leur circulation, c'est-à-dire des corridors formant une continuité écologique. Ce maillage fait partie de la Trame verte et bleue, indispensable à la préservation de la biodiversité à l’échelle d’un territoire.

À venir : page Bocage et biodiversité

Préservation et épuration de la ressource en eau et de sa qualité

Un maillage dense de haies, fournies et en bon état, permet d’allonger le trajet de l’eau en limitant le ruissellement et favorisant l’infiltration, de l’échelle de la parcelle à celle du bassin versant. De plus, les haies prélèvent une partie des composants (azote, phosphore, potassium...) issus des fertilisants qui diffusent dans l’environnement.
Ainsi, les haies facilitent la dégradation des produits phytopharmaceutiques, et leur dénitrification. Elles limitent le transfert de ces intrants vers les cours d’eau et les nappes souterraines. (Voir Qu'est-ce qu'une zone tampon et comment les utiliser ?)

Brise-vents naturels, elles peuvent également réduire de 10 à 90 % la dérive des produits phytopharmaceutiques sur une distance d’environ 3 fois la hauteur des arbres selon leur stade de développement, ou de feuillaison (Bedos et al., 2020 ; Wenneker & Van de Zande, 2008 ; Van de Zande et al., 2004).

Image
Haie dense en Nouvelle-Aquitaine (Sophie Morin, OFB)

Atténuation du dérèglement climatique et des épisodes intenses

Localement, les propriétés des haies réduisent les impacts des évolutions climatiques négatives (Delahaye, 2021) :

  • abri et régulation de la température : du vent et ombrage limitant les fortes chaleurs pour les animaux, les voisins, ou les bâtiments notamment d’élevage,
  • apport de fourrage et de la litière, aidant à compenser le creux estival des prairies dû à la sécheresse,
  • piégeage de l'eau :
    • augmentation de la réserve en eau : + 5 à 10 % dans les premières couches du sol,
    • et limitation de l’impact des inondations : haies brise-crue, en particulier situées en travers de pente.

La nécessité de "Restaurer et profiter de la multifonctionnalité des espaces bocagers pour réduire l’impact et atténuer les effets des épisodes climatiques intense" est soulignée dans un chapitre dédié du Retour d'expérience sur l'épisode caniculaire et la sécheresse 2019 (CGEDD).

Au niveau global, les haies constituent un stock de carbone conséquent pour les haies les plus anciennes. Comprenant les parties aériennes des arbres et dans le sol des parcelles adjacentes jusqu’à 3 m, le dispositif de suivi des bocages IGN/OFB a permis une première estimation (Dassot et al., 2022) :

Image
Paysage des Alpilles bocager (Thomas Gendre, OFB)
  • 60 millions de tonnes de carbone présent au niveau des haies,
  • sur 31 départements français particulièrement bocagers.

À côté des forêts, elles constituent un puits de carbone non négligeable, particulièrement lorsque les végétaux sont en phase de croissance (plantations de linéaires de haies).

Rôle paysager

Esthétique, patrimonial, propice au tourisme, à la randonnée, le paysage bocager est attractif et associé à la qualité de vie et au bien-être de la population, et identitaire pour de nombreux territoires français. Ce sont aussi des outils de conservation des espèces ordinaires et locales.

Image
Plessage d'une haie vive pour former une clôture naturelle dans les Deux Sèvres (Philippe Massit, OFB)

Des haies remarquables aux fonctions spécifiques

Le plessage

Très ancienne technique de conduite des haies champêtres, le plessage consiste à entailler les jeunes rameaux, pour les plier vers l’horizontale afin de constituer une clôture vivante efficace. Cette action est à effectuer en hiver, pendant la période de dormance de la végétation.

La haie sèche, ou de Benjes

Le principe est de disposer des piquets en quinconce et déposer régulièrement des rémanents dans l’espace ainsi matérialisé.

Image
Haie combinant haie sèche et plessage pour former une clôture naturelle (Philippe Massit, OFB)

Cela permet d’utiliser les débris végétaux tout en assurant bon nombre de fonctions des haies vives (brise-vent, clôture naturelle, refuge...). L’arrêt du dépôt de débris permet à une haie vive de s’établir.

Les haies sur talus

Particulièrement présentes en Bretagne, les haies sur talus régulent encore mieux les flux hydriques et l’érosion, et leur rôle de brise-vent abritant les animaux et les cultures est accentué... deux caractéristiques appréciables en climat océanique.
Une attention particulière doit être portée à la préservation et la remise en état du talus et des murets éventuels lors de l’entretien.

Image
Vieux arbres têtards, aussi appelés "trognes" dans une haie (Philippe Massit, OFB)

Arbres têtards ou arbres d'émondes

Ces arbres dits têtards sont issus d'un mode de taille traditionnel qui permet, par un recépage en hauteur périodique, d’exploiter du petit bois (chauffage) et le feuillage (fourrage) sans les tuer. Les branches doivent être récoltées manuellement à la tronçonneuse, et suffisamment fréquemment, sans quoi leur poids peut faire éclater le tronc ! L’entretien durable d’un alignement d’arbres têtards nécessite d’en créer régulièrement de nouveaux pour assurer ou roulement, et éviter la déstructuration de la haie. Ils constituent un habitat de reproduction recherché par des espèces cavernicoles comme le pigeon colombin. Le chêne, le frêne, le châtaignier, le saule, sont des essences couramment trouvées parmi les têtards.

Aller plus loin

Qu'est-ce qu'une zone tampon et comment les utiliser ? | Page éditoriale

Ce dossier est consacré aux connaissances aujourd’hui disponibles en matière d’intégration des zones tampons dans la gestion des bassins versants, dans un objectif de protection des milieux aquatiques. Il donne les clés de compréhension des enjeux et processus à l’origine de la contamination des ressources en eau par les pollutions diffuses et promeut les dispositifs tampons comme moyen d’action et d’atténuation des risques.

Références - bibliographie

  • Dassot M., Commagnac L., Letouze F., Colin A. 2022. Stocks de bois et de carbone dans les haies bocagères françaises. Ademe. 66 p.
  • Journées d’échanges techniques - Haies bocagères : liens de biodiversité dans les territoires, Office français de la biodiversité, 2021 :
    • Burel F. Rôle des haies sur la biodiversité et les services écosystémiques.
    • Delahaye D. Services écosystémiques en lien avec les changements climatiques.
  • Retour d'expérience sur l'épisode caniculaire et la sécheresse 2019 - 4.3. Milieux bocagers, linéaires de haies, pré-vergers, Rapport CGEDD n° 013098-01, CGAAER n° 19098, Avril 2020, p.56 :
    • 4.3.1. Le dispositif national de suivi des milieux bocagers doit être pérennisé et conforté
    • 4.3.2. Restaurer et profiter de la multifonctionnalité des espaces bocagers pour réduire l’impact et atténuer les effets des épisodes climatiques intense
  • Bedos, C., Douzals, J. P., Barriuso, E., Bordes, J. P., Chantelot, E., Cellier, P., ... & Huygue, C., 2020. Application des produits phytopharmaceutiques et protection des riverains: Synthèse des connaissances pour définir les distances de sécurité Membres du groupe de travail Inrae-Anses-Acta (Doctoral dissertation, Inrae)
  • Wenneker, M., & Van de Zande, J. C. (2008). Spray drift reducing effects of natural windbreaks in orchard spraying. Aspects of Applied Biology, 84, 25.
  • Van de Zande, J. C., Michielsen, J. M. G. P., Stallinga, H., Wenneker, M., & Heijne, B. (2004). Hedgerow filtration and barrier vegetation. In Proceedings of the International Conference on Pesticide Application for Drift Management, 27-29 October, 2004, Waikoloa, Hawaii (pp. 163-181)
  • André Vézina (2001). Les haies brise-vent, mise à jour du cours no. 19, Institut de technologie agricole de La Pocatière
  • O. Baudry, C. Bourgery, G. Guyot, Rene Rieux, 2000. Les haies composites réservoirs d'auxiliaires. CTIFL Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes, 116 p., 2-87911-095-5
  • Coutel J.-P., 1992. Contribution à l'analyse de la biomasse arborescente du bocages de l'Avesnois (59). Thèse de Doctorat, Université de Rennes, 162 p.