Gérer durablement ses haies et en créer de nouvelles

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Haie dense en bord de champ (Sophie Morin, OFB)

La gestion durable d'une haie permet de préserver toutes ses fonctionnalités. Elle vise un état de stabilité, reposant sur une planification à long terme sans besoin d'intervention systématique. De même, créer une haie favorable à la biodiversité, fournissant de nombreux services et résiliente face au changement climatique nécessite réflexion et planification. Les principes, préconisations ou au contraire les actions à éviter sont détaillés pour la gestion, d'entretien ou de restauration, et la création par plantation.

Gérer durablement les haies pour les renforcer et stabiliser

Une haie livrée à elle-même évolue à terme vers un alignement arboré, particulièrement avec la circulation des animaux d’élevage. Dans une phase intermédiaire, la haie sans entretien augmente régulièrement son emprise et gagne sur les terres agricoles voisines. En atteignant un stade arboré, elle perd en partie sa strate arbustive. Une gestion appropriée permet de renforcer ou conserver les fonctions biologiques les plus intéressantes. Ainsi, la gestion durable d’une haie :

  • vise à atteindre un état de stabilité qui permet de préserver toutes ses fonctionnalités ;
  • permet naturellement d’éviter son extension sur les parcelles agricoles et la voirie, de maintenir ses différents étages, et la diversité de ses essences ;
  • contribue à la valorisation des ressources (produits et services) fournis par la haie.

Pour une haie est bien conformée : l’ombre générée par son houppier (glossaire) limite la croissance du sous-étage arbustif et herbacé, assurant ainsi de manière autonome la pérennité de la structure. Seules des coupes ponctuelles d’exploitation ou de prélèvement/recépage d’arbre pour permettre la régénération seront à envisager.
Lorsque la haie est jeune et en croissance, ou n’a pas été bien conformée dès l’origine, quelques interventions s’avèrent nécessaires pour rejoindre cette trajectoire.

    Principes généraux

    Des principes clés permettent d'optimiser l'efficacité des interventions et réduire autant que possible leur impact :

    • planifier les interventions à long-terme : répartir les travaux sur le territoire et sur plusieurs années,
    • les effectuer en automne-hiver,
    • les réaliser manuellement (tronçonneuse), ou au moyen d’outils de prélèvement sélectifs (type grappin coupeur) suivis d’une reprise manuelle.

    À noter : un entretien fréquent et/ou avec recours à du matériel inadapté (rotor à marteau, épareuse, lamier), affaiblit la haie et peut entraîner une mortalité des arbres à long terme. Selon les pratiques il peut à l'inverse sur-stimuler la végétation, ne permettant pas d'atteindre la stabilité de la haie.

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    En effet, la gestion durable des haies ne se traduit pas obligatoirement par des interventions annuelles systématiques, mais doit reposer sur une planification à long terme des interventions.
    L’automne est le meilleur compromis entre potentielle nécessité d’intervenir et minimum de dommages pour la biodiversité : reproduction et nidification en été, mais aussi refuge pour l’hibernation en hiver !.

    L’entretien affecte la haie et les espèces qu’elle abrite, même avec des pratiques légères, notamment en empêchant la réalisation de leur cycle biologique et en réduisant la disponibilité alimentaire. De plus, le recours trop fréquent à des machines émettrices de CO2 et de particules est néfaste pour l’environnement. L’entretien peut en revanche permettre de limiter le développement d’espèces exotiques envahissantes.

    Préconisations

    L’entretien courant et mesures pratiques associées

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      Haie avec ourlet herbacé fleuri (dessin Edeo pour l'OFB, Comprendre pour agir, 2023)
      Il consiste surtout en des tailles latérales et des interventions ponctuelles sur le pied de haie enherbé. Il doit permettre le maintien d’un ourlet herbacé fleuri.
    • Ces interventions doivent répondre à un besoin, elles ne doivent pas être menées de manière systématique.
    • Réalisées en automne-hiver, elles stabilisent la composition, qui est alors diversifiée.

    Le sommet ne doit pas être taillé de manière répétée, pour ne pas affaiblir l’étage arboré, ni favoriser seulement certaines espèces de l’étage arbustif. Pour limiter la hauteur de la haie, un recépage (glossaire) régénérateur tous les 15 ans est à privilégier.

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    Haie protégée par clôture électrique (dessin Edeo pour l'OFB, Comprendre pour agir, 2023)

    Les clôtures électriques tiennent à l’écart les animaux tout en les laissant pâturer, et par là entretenir dans une certaine mesure le pied de haie. Elles ne sont avantageuses qu’avec :

    • une installation correcte : 1 m de la haie, respect des prescriptions techniques : mise à la terre, fil, isolateurs et électrificateur,
    • ainsi qu’un entretien de la clôture et de la haie : annuellement pour le pied de haie enherbé, au lamier par exemple, ponctuellement pour les autres étages.

    Antoine Pasquier, agriculteur, 2021. Intégrer les composantes bocagères à l'échelle d'une exploitation agricole - Valorisation économique de la haie - Journées d’échanges techniques - Haies bocagères, OFB

    Les produits de taille peuvent être broyés et épandus sur la parcelle adjacente, ils constitueront un apport de matière organique intéressant.

    À rechercher

    • Une largeur d’au moins 1,50 m à 1 m du sol et un pied de haie herbacé fleuri et sauvage d’au moins 1 m de large de part et d’autre
    • La présence de plusieurs étages, avec des essences adaptées au territoire
    • La présence de bois creux dans la haie, et de bois mort au sol
    • Les talus et tas de pierres
    • La ronce, parfois appelée « berceau du chêne » ou « mère du hêtre »
    • Les lianes et plantes grimpantes locales comme la clématite, le chèvrefeuille ou le lierre
    • Les fruitiers, sauvages ou non (de la marque Végétal local®, par exemple)

    Le saviez-vous ?

    Les agriculteurs peuvent faire réaliser par leur conseiller bocage-agroforestier (Afac agroforesteries, chambres d’agriculture...) un plan de gestion durable des haies (PGDH). Il apporte un état des lieux des haies de l’exploitation, et planifie les travaux d’entretien, de restauration, de plantation et de valorisation pour en garantir la pérennité, voire les développer.

    Des interventions parfois nécessaires : matériel adapté et pratiques à limiter ou proscrire

    Des interventions parfois nécessaires...

    • La taille latérale, pour accompagner l’accroissement de la haie, notamment dans le cas de haie à l’aplomb de voies de circulation.
    • L’intervention sur le pied de haie en cas de développement trop important.
    • Le recépage pour rajeunir un plant.
    • La suppression des espèces exotiques envahissantes à l’occasion de chaque intervention.
    • La limitation de l’accès des animaux, lorsque la parcelle adjacente est pâturée.
    • Un pied de haie herbacé fleuri et sauvage d’au moins 1 m de large de part et d’autre de la haie ; il abrite de nombreuses espèces, attention à ne pas l’abîmer lors de l’entretien !
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      Figure 7. Précautions permettant d’éviter d’endommager la haie lors des interventions (Comprendre pour agir, 2023, OFB)

    ... avec un matériel adapté

    Seul l’emploi d’un matériel adéquat garantit des coupes nettes permettant une bonne cicatrisation, et donc la préservation des végétaux.

    L’entretien manuel à la tronçonneuse, permettant notamment de sélectionner les arbres d’avenir dans les haies hautes et d’obtenir des coupes ne remettant pas en cause la pérennité de ces arbres, demeure à privilégier autant que possible. (voir la Notice sur l’importance de l’entretien manuel et durable du bocage, Afac agroforesteries)

    Parmi les autres outils existants :

    • à réserver aux pousses de l’année : la barre-sécateur (1-10 cm de diamètre) effectue un travail de qualité, mais est plus coûteuse et plus lente,
    • à éviter : les lamiers, que ce soit à couteaux ou à scies, ainsi que le rotor à marteau ou épareuse,
    • non adaptés à l’entretien des haies : le rotor à fléau et le broyeur.  

    Les pratiques à proscrire

    • La taille sommitale
    • Le désherbage chimique du pied de haie
    • Le travail du sol au ras de la haie
    • L’écorçage des troncs
    • Appuyer un outil sur la haie
    • L’éclatement de grosses branches
    • Le passage du broyeur au sol dans les trouées

      Haies dégradées : comment accompagner leur régénération ?

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      Haies bocagères taillées au carré avec des arbres isolés, Vendée (Philippe Massit, OFB)

      De manière générale, plusieurs méthodes ou actions peuvent favoriser leur restauration selon les moyens disponibles et types de dégradations à palier :

      • laisser la régénération spontanée se développer en installant des clôtures ou en décalant les clôtures existantes, à 1 m minimum de part et d’autre de la haie dans le cas d’un élevage,
      • la favoriser en laissant la lumière parvenir au pied par élagage, étêtage ou recépage selon le type de haie - ce qui permet aussi de restructurer la haie,
      • limiter la concurrence, en sélectionnant les brins d’avenir et les essences intéressantes.

      Selon le type de dégradation : des interventions spécifiques

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      Haie creuse (dessin Edeo pour l'OFB, Comprendre pour agir, 2023)

      Haie dépourvue de sous-étage, futaie vieillissante avec absence d’étage arbustif et de bande enherbée, souvent suite à un surpâturage :

      • protéger la haie des animaux peut suffire à ce qu’elle se reconstitue,
      • planter quelques arbres ou arbustes pour la densifier si nécessaire.
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      Haie taillée au carré (dessin Edeo pour l'OFB, Comprendre pour agir, 2023)

      Haie basse taillée au carré :

      • arrêter la taille, recéper* la haie initiale si besoin, ou laisser pousser les arbustes présents,
      • planter sur une ligne parallèle à 1 mètre de la haie des arbres de haut-jet ou à développement intermédiaire,d’essences d’origine locale pour redonner de la diversité.
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      Haie discontinue (dessin Edeo pour l'OFB, Comprendre pour agir, 2023)

      Haie discontinue :

      • supprimer la cause de la trouée (entretien mal conduit, passage répété d’animaux...) ;
      • planter des essences arbustives et de haut-jet d’origine locale, si besoin.
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      Haie ornementale (dessin Edeo pour l'OFB, Comprendre pour agir, 2023)

      Haie constituée d’essences ornementales :

      • couper les arbres existants et recréer une haie fonctionnelle* (Bosse, 2022 et voir Créer, planter) ou les remplacer progressivement par des arbres d’origine locale.

                  Créer des haies fonctionnelles par plantation

                  Créer une haie favorable à la biodiversité, résiliente face au changement climatique et fournissant de nombreux services nécessite réflexion et planification avant de se lancer. Est traité ici le cas particulier de la plantation.

                  Choix de la technique

                  1. Évaluer si la régénération naturelle ou l’installation d’une haie sèche (ou de Benjes) sont adaptées au contexte de création.
                  2. À défaut, s’orienter vers le semis ou la plantation, selon les préconisations ci-contre.

                  Bon à savoir : la régénération naturelle peut survenir suite à l’arrêt d’apport de branches à une haie morte.
                   

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                  Préparation du site de création

                  Localisation

                  La lier astucieusement aux enjeux du territoire permettra d’en tirer le plus de bénéfices : rupture de pente, (r)établissement d’une continuité écologique, paysage... de même, réfléchir la localisation de l’entrée d’un champ en cas d’érosion ou de ruissellement.

                  Dimension de la zone

                  Prévoir au moins 4 m (jusqu’à 10 m), et plusieurs lignes le cas échéant. Un volume suffisant (hauteur et largeur) est gage de stabilité, résilience, protection contre les aléas météorologiques.

                  Préparation du sol

                  En cas de problème de structure, un sous-solage peut être nécessaire.  Lorsqu’un apport de terreau s’avère utile (sols pauvres, urbains ou de remblais), choisir un terreau sans tourbe, celle-ci provenant d’écosystèmes rares et fragiles. En cas d’apport de terre, veiller à ce qu’elle provienne d’une zone proche, non contaminée par des espèces exotiques envahissantes (ni les engins et le matériel de chantier).

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                  Plantation de haies avec un paillage en feutre de fibres végétales cardées à base de jute et de chanvre, biodégradable et économisant l'eau et l'entretien (Philippe Massit, OFB)

                  Paillage du sol 

                  Il permet de conserver l’humidité, de réguler la température, d’éviter la battance causée par la pluie, et, lorsqu’il est organique, de fertiliser, d’abriter des insectes, de laisser apparaître une flore spontanée.

                  Utiliser des paillages organiques : paille (céréales ou lin), broyat, feuilles mortes, ou, pour une plus longue durée de vie : ligneux – copeaux, écorces de pins, tailles d’arbustes. Penser aux débris issus de l’entretien des haies périphériques !

                  Bannir le paillage plastique, ainsi que les géotextiles non locaux (toile de jute ou fibre de coco), et le paillage minéral. Si besoin, le géotextile en chanvre (local et non traité) peut être utilisé.

                  Pose de clôtures

                  En retrait de la future haie, de 1 m pour éviter l’abroutissement par les animaux, ou de la largeur de l’engin prévu pour l’entretien en vue de faciliter ce dernier (soit 1,20 à 2,40 m de la future haie)  les séparer de 4 m au minimum.

                  Le saviez-vous ?
                  En polyculture élevage, remplacer les clôtures électrifiées ou les barbelés par des haies adaptée est économique et réduit le temps d’entretien après quelques années, une fois la haie mature (cette durée dépend notamment de l’état initial du tissu végétal site où est plantée la haie).
                  La haie peut être adaptée aux besoins : en l’occurrence, les épineux (aubépine, prunelier, houx...) repoussent les animaux d’élevage et favorisent la nidification des oiseaux ; ils constituent une clôture naturelle.

                  Choix des essences : diverses, et locales

                  Diversité

                  Afin d’adapter les haies face à l’augmentation globale des températures et d’améliorer la résistance de la haie aux maladies, il est préconisé de :

                  • privilégier des espèces adaptées aux conditions particulières du sol du site concerné (humidité, sécheresse, fertilité...),
                  • planter idéalement une dizaine d’essences différentes,
                  • éviter qu’une essence ne domine à plus de 30 %,
                  • intégrer des essences supportant des conditions de sécheresses plus importantes,
                  • intégrer des essences fructifères et nectarifères,
                  • choisir les essences de sorte à obtenir des ports d’arbres variés, varier la séquence de plantation
                  • varier les essences au feuillage caduque (feuilles qui tombent en hiver), marcescent (feuilles mortes conservées sur l’arbre une partie de l’hiver, comme le charme) et persistant (feuillage permanent),

                  Origine locale

                  Les végétaux sauvages d’origine locale sont issus de régions biogéographiques au sein desquelles ils ont évolué ensemble. Du fait de cette longue coévolution avec la faune et la flore locales, ils contribuent au bon fonctionnement et à la résilience des écosystèmes, et sont appropriés pour la restauration des haies. La diversité génétique qu’ils renferment doit leur permettre de s’adapter au changement climatique. Les bénéficiaires de la marque collective Végétal local proposent des semences et des plants. Ils sont garants de la production de matériel végétal qui répond au cahier des charges : prélèvement de graines dans le milieu naturel de la région biogéographique, et sur un nombre d’individus permettant d’assurer une diversité génétique maximale, tout en veillant à la durabilité de la ressource.

                  Se fournir en plants de la marque Végétal local® auprès d’un bénéficiaire de la marque est donc un acte en faveur de la biodiversité et un gage de bonne reprise des plants dans les projets de plantation de haies.

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                  Reconstitution d'une haie en bord de champ (Caroline Le Goff, OFB

                  Structure

                  La haie doit être constituée de trois étages de végétation : herbacé (développement spontané), arbustif et arboré, et être implantée sur au moins deux rangs séparés d’1 m.

                  Distances de plantation

                  • En bordure de route, il est nécessaire de placer les arbres de haut-jet sur la ligne de plantation la plus éloignée de la voirie ;
                  • En limite de propriété, i est nécessaire de planter à une distance de 2 m pour une haie dépassant les 2 m de haut.

                  Manchons de protection

                  Ils peuvent être nécessaires pour limiter l’abroutissement ou le frottis des jeunes plants : utiliser alors des manchons en fibres végétales (chanvre, canisses, roseau), /!\ et non en plastique.

                  Favoriser le semis naturel et la biodiversité

                  Des perchoirs ou des fils reliant des piquets à travers la haie permettent d’augmenter l’apport de graines, notamment pour créer des haies spontanées, grâce aux déjections des oiseaux !

                  Mettre en place des abris au sol (pierres, souches…) pour diversifier les habitats (reptiles, amphibiens, hérissons... et même pollinisateurs !). Penser aussi à conserver quelques espaces de sol nu, notamment pour les abeilles sauvages.

                  Le saviez-vous ?
                  De nombreuses collectivités mettent en place des dispositifs d’incitation à la plantation de haies (appels à manifestation d’intérêt, appels à projets, aides financières) : renseignez-vous auprès de votre mairie !

                  Références, bibliographie et aller plus loin

                  Références, bibliographie

                  Aller plus loin