Micropolluants urbains : enjeux et diagnostic
Les politiques urbaines de préservation ou de reconquête de la qualité de l’eau, conditionnées notamment par la mise en place sur les territoires des collectivités de schémas directeurs d’assainissement, intègrent de plus en plus des volets de la pollution par les micropolluants. Par ailleurs, une note technique ministérielle de 2016 a précisé les modalités de la recherche de micropolluants dans les eaux usées traitées et dans les eaux brutes des stations d'épuration des eaux urbaines (STEU). Elle définit également les modalités de recherche des sources d’émission de ces micropolluants en amont des STEU et d’engagement des collectivités dans une démarche de réduction de ces émissions.
Contexte réglementaire relatif aux micropolluants urbains
L’article 1331-10 du Code de la santé publique stipule que tout déversement d’eaux usées autres que domestiques dans les réseaux d’assainissement collectifs doit être soumis à l’autorisation des collectivités territoriales. Cette réglementation peut se voir déclinée au sein de conventions spéciales de déversement ou autorisation de déversement, voire dans les règlements d’assainissement communal, qui peuvent également couvrir les cas d’eaux d’usage domestique.
Par ailleurs, une note technique ministérielle de 2016 a précisé les modalités de la recherche de micropolluants dans les eaux usées traitées et dans les eaux brutes des stations d'épuration des eaux urbaines (STEU). Elle définit également les modalités de recherche des sources d’émission de ces micropolluants en amont des STEU et d’engagement des collectivités dans une démarche de réduction de ces émissions. La surveillance des contaminants doit s’effectuer dès l’entrée de la filière, sur les eaux brutes. Si des contaminants sont détectés dans les eaux traitées à des teneurs dépassant certains seuils, un diagnostic devra être réalisé par la collectivité. Cette dernière pourra fixer des valeurs limites d’émission aux installations raccordées au réseau. Une démarche type a été formalisée par l'Astee pour répondre à la note technique RSDE STEU de 2016.
Par ailleurs, et depuis quelques années, en dépit de l' absence de normes spécifiques pour de nombreux contaminants émergents, certaines collectivités ont déjà eu le souci d’anticiper des évolutions plausibles de la réglementation de l’assainissement ou des eaux destinées à la consommation humaine, concernant une future prise en compte de certaines molécules. L’information et les préoccupations croissantes des citoyens sur la qualité chimique de l’eau et des aliments sont aussi des moteurs d’anticipation pour les collectivités, dont certaines se sont déjà engagées dans une mise à l’agenda de ces sujets au sein d’instances participatives locales.
Les apports du dispositif national "Micropolluants des eaux urbaines" 2013-2019
L’OFB et les agences de l’eau ont pris le parti de soutenir de telles démarches proactives visant à une capacité d’agir effective, si une réglementation ad-hoc ou la certitude scientifique d’un danger apparaissaient. C’est ainsi que certaines collectivités ont profité de l’appel à projets « micropolluants des eaux urbaines » pour présenter des projets recherche et développement (R&D) de diagnostic et d’expérimentation, auxquels elles participent directement, et même parfois en position de pilotage.
Une synthèse de leurs expériences en termes de mise en oeuvre de diagnostics micropolluants est désormais disponible:
Conduire un diagnostic « micropolluants » sur un territoire urbain - Retour d’expérience méthodologique du dispositif national « lutte contre les micropolluants des eaux urbaines »
Une première restitution synthétique de l'avancée des projets s'était préalablement tenue à Strasbourg en 2018 à l'occasion du colloque "Micropolluants et innovation dans les eaux urbaines". Cliquez ici pour accéder aux présentations.
Par ailleurs, le film "Micropolluants dans l'eau, une emprise invisible", réalisé par Arceau en coopération avec l'OFB, restitue de façon concise et accessible une grande part des enjeux pris en charge par le dispositif.
Quelle composition chimique des diverses eaux urbaines?
Les résultats des diagnostics de la qualité chimique des eaux urbaines réalisés au sein des projets du dispositif "Micropolluants des eaux urbaines" sont désormais disponibles sur notre page thématique "Sources et flux du polluants".
Ces éléments de connaissance pourront notamment venir compléter la démarche formalisée par l'Astee pour répondre à la note technique RSDE STEU de 2016, avec en particulier une prise en compte plus poussée des pollutions d'origine domestique.
Comment mener un diagnostic Micropolluants dans les systèmes hydrauliques urbains?
Les retours d'expérience méthodologiques de trois projets du dispositif "Micropolluants des eaux urbaines" sont d'ores et déjà disponibles, qui décrivent dans leurs globalités des approches pour mener à bien un diagnostic des micropolluants sur le territoire d'une agglomération, en commençant par une phase d'identification et de priorisation des enjeux.
Outils disponibles pour identifier les enjeux sur le territoire urbain
- Projet Regard, à Bordeaux:
- Synthèse opérationnelle présentant le bilan du diagnostic territorial mené sur le territoire de bordeaux métropole caractérisation des substances et des impacts. Priorisation des risques à l’échelle du territoire
- Hiérarchisation des risques, priorisation des substances et sélection des substances sentinelles à suivre dans les différents compartiments
- Méthodologie reproductible de diagnostic pour une stratégie de réduction équilibrée à l’échelle d’un autre territoire urbain (retour d'expérience, préconisations).
- Projet LumiEau-Stra, à Strasbourg:
- Diagnostic territorial pour la priorisation des actions de réduction des rejets en micropolluants : éléments méthodologiques
- Calcul d’un indicateur spatialisé de priorisation des milieux récepteurs
- Descriptif du logiciel d’aide à la hiérarchisation des cibles d'action.
- Application de l’outil logiciel développé dans le projet LUMIEAU-Stra pour déterminer des zones de prélèvement dans le réseau d’assainissement - Comparaison des résultats modélisés avec des mesures et ajustements de l’outil.
- Projet Cosmeteau, à Paris: Estimation des sources, des flux et des impacts des conservateurs de produits cosmétiques dans le milieu récepteur
Pour en savoir plus: Sources et flux de polluants
Stratégies d’échantillonnage pour des campagnes de mesure sur un territoire urbain
Le projet Regard à Bordeaux a livré une description des sites d’étude et des protocoles d’expérimentation qui ont été mis en oeuvre sur ce territoire, susceptible d'inspirer toute collectivité souhaitant établir un diagnostic représentatif des diverses sources de micropollution.
En parallèle, le projet LumiEau-Stra à Strasbourg a formalisé puis restitué sa méthodologie de campagne de mesures pour la recherche efficiente de micropolluants sur un réseau d’assainissement. Cette démarche comprend les questions de la liste de micropolluants à rechercher, de l'identification des zones géographiques les plus problématiques, de la cartographie des réseaux, et des outils innovants de recherche de micropolluants.
Techniques d’échantillonnage et d’analyses adaptées aux eaux usées
Plusieurs approches ont pu être expérimentées et validées récemment pour caractériser les profils chimiques et toxiques des eaux transitant des les réseaux urbains.
Méthodes de prélèvement ponctuel en eaux usées et analyse chimique des échantillons
Les méthodes de prélèvement ponctuel et d'analyse utilisées dans le cadre du projet Regard pour la caractérisation chimique des eaux usées sont documentées en détails dans deux ouvrages distincts, s'agissant des contaminants organiques (cf. §II et III de ce premier ouvrage), et métalliques.
Plusieurs autres projets du dispositif "Micropolluants des eaux urbaines" (Cosmeteau à Paris, Biotech à Poitiers, Rilact à Lyon, Seneur en Martinique) ont également restitué de nouveaux éléments méthodologiques sur l'analyse des micropolluants émergents (résidus de cosmétiques, de médicaments, de drogues, de biocides ou de détergents) : retrouvez ces éléments sur nos pages Outils et méthodes innovants pour la détection ou la mesure des contaminants (rubrique "Développements analytiques")
L'utilisation d'échantillonneurs passifs
Ces échantillonneurs présentent l'intérêt d'intégrer sur plusieurs jours la contamination des eaux, et donc de fournir une image plus représentative de la pollution transitant dans les réseaux.
- le projet bordelais Regard s'est attaché à optimiser la configuration d'échantillonneurs passifs de type POCIS pour les rendre compatibles avec des mesures en réseau d'assainissement et en station d'épuration. Deux nouvelles configurations miniaturisées ont peut être testées avec succès et devraient pouvoir être mise en oeuvre opérationnellement par la suite.
- le projet martiniquais Seneur a lui aussi produit des avancées dans le développement et l'utilisation des POCIS, en se focalisant pour sa part sur les résidus de produits stupéfiants et pharmaceutiques.
- le projet strasbourgeois Lumieau-Stra a pu éprouver l'application d'autres techniques d'échantillonnage passif, également en réseau d'assainissement. Il a fournit un retour d'expérience complet sur l'utilisation de plusieurs outils: la cellule Prebio, ainsi que l'échantillonneur SBSE et des cartouches au charbon actif, ces deux derniers étant disposés au sein d'un réceptacle adapté (le CFIS, Continuous flow integrative sampler).
L'utilisation d'outils basés sur les effets biologiques des contaminants
Plusieurs projets du dispositif "Micropolluants des eaux urbaines" ont exploré l'utilisation d'outils biologiques en complément ou en remplacement des méthodes chimiques classiques, en vue d'évaluer la toxicité des eaux usées et son évolution tout au long du cheminement des rejets depuis le domicile jusqu'au milieu récepteur, ou pour prioriser les rejets en fonction de leur toxicité, ou encore pour apprécier l'efficacité de divers traitements des eaux.
Plusieurs retours d'expériences formalisés sont disponibles, et notamment:
- Projet Micropolis, à Sophia-Antipolis:
- Projet Regard, à Bordeaux: Détection de composés perturbateurs endocriniens et dioxin-like à l’aide de bioessais in vitro dans les eaux usées, pluviales et naturelles
- Projet Cosmeteau, à Paris: Estimation des sources, des flux et des impacts des conservateurs de produits cosmétiques dans le milieu récepteur
- Projet Rempar, Arcachon:Évaluation, sur organismes aquatiques et lignées cellulaires, de l’écotoxicité des effluents du Pôle de Santé d’Arcachon et intérêt d’un pilote par bioréacteur à membrane couplé au charbon actif pour le traitement des rejets
- Projet Rilact: Évaluation de la dynamique de l’écotoxicité, de l’antibiorésistance, des effets perturbateurs endocriniens, et de la génotoxicité des effluents au cours de leur transport dans les réseaux d’assainissement.
- Projet LumiEau-Stra, Strasbourg: Développement d’un outil biologique simplifié pour caractériser la toxicité d’eaux usées : l’InSiKit