Le réchauffement climatique : des impacts majeurs sur la biodiversité à suivre et évaluer

De nombreux travaux scientifiques prédisent que le réchauffement climatique a, et aura, des impacts majeurs sur la biodiversité. Selon leurs capacités d’adaptation, les espèces animales et végétales ont des réponses très différentes. Les aires protégées, de par leurs contextes géographiques, climatiques et géomorphologiques variés, sont des espaces privilégiés pour étudier ce phénomène. C’est particulièrement le cas sur certains reliefs où l’on retrouve des espèces reliques glaciaires, les plus sensibles à une hausse des températures.

Particulièrement concernées, les changements de populations d’insectes pourraient quant à eux avoir des répercussions plus larges sur les écosystèmes en raison de leur rôle dans la chaine trophique. Etudier les aires de distribution actuelles des espèces et de communautés et prédire leurs changements face au réchauffement climatique sont des étapes nécessaires pour proposer des mesures de gestion adaptées.

Travaux en cours

Suivi de l'évolution de la distribution du cortège de libellules tyrphobiontes par récolte d'exuvies dans les tourbières des Hautes-Vosges dans un contexte de changement climatique (PNR des Ballons des Vosges)

Exuvies de Leucorhinia dubia (JC Ragué)

Le cycle de vie des libellules est intimement lié à la présence et à la qualité de l’eau, indispensables pour le développement de leurs larves et leur métamorphose en adultes (imagos). Certaines espèces ubiquistes peuvent exploiter une grande diversité de milieux aquatiques. D’autres au contraire sont spécialisées dans l’occupation de certains milieux. C’est notamment le cas des espèces tyrphobiontes, c’est-à-dire inféodées aux tourbières, milieux en forte régression en France. Ces milieux sont de plus très vulnérables aux changements globaux, tel que le réchauffement climatique. Le devenir des espèces qu’ils abritent est donc incertain.

Les tourbières vosgiennes, encore nombreuses, accueillent de nombreuses espèces de libellules tyrphobiontes. Ces sites sont en majorité protégés par le statut de RNN ou Natura 2000, ou par le CEN Lorraine et l’ONF.

La présence d’exuvies sur un site (mues laissées par les larves de libellules) fournit une preuve certaine de la reproduction d’une espèce, en plus de la capture et de l’observation des adultes. Les stades larvaires sont par ailleurs étroitement dépendants des conditions de vie aquatiques : température de l’eau et de l’air, période de gel, nourriture disponible, etc. Des changements de ces paramètres à long terme pourraient ainsi avoir des impacts forts sur l’occupation des tourbières par les espèces de libellules les plus sensibles.

L’objectif de cette étude est de développer un protocole permettant de suivre la distribution des libellules tyrphobiontes à partir de la recherche d’exuvies et d’identifier éventuellement les facteurs de déclin des espèces. Sur la base des résultats issus d’une étude-pilote en 2021, un état-zéro de l’état d’occupation de différentes espèces de libellules a été mis en place en 2022 et 2023 au sein d’habitats tourbeux de trois réserves naturelles. Ce protocole pourra être répliqué à fréquence régulière pour mesurer les changements de distribution à long-terme.

Rapport à paraître en septembre 2024

Suivi temporel et spatial des chenilles d’Apollons sur les Causses (PN des Cévennes)

L’Apollon (Parnassius apollo) exige des espaces ouverts, pelouses ou éboulis ensoleillés entre 600 à 2 500 mètres d’altitude. Ce papillon a vu ses populations françaises régresser, voire disparaître sur certaines parties du territoire national ces dernières décennies, potentiellement en raison des changements climatiques. L’évolution des pratiques pastorales pourrait également expliquer une partie de ce déclin, notamment sur les causses méridionaux.

Un protocole de dénombrement de chenilles sur les dalles à orpin dans le Parc national des Cévennes permet de renseigner les changements de répartition de cette espèce sur le long terme et à en identifier les causes. Certaines mesures pour maintenir les populations relictuelles pourraient être encouragées.

Rapport disponible ici : https://ofb.hal.science/hal-04281448

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Chenille d’Apollon sur une dalle à orpin © T. Couturier

Changement de distribution du lièvre variable et du lièvre d’Europe dans les Alpes en lien avec le réchauffement climatique (PNx de la Vanoise, du Mercantour et des Ecrins)

Lièvre variable
Lièvre variable © M. Mollard, PNV

Authentique espèce artico-alpine, le Lièvre variable (Lepus timidus) vit dans les Alpes en populations reliques isolées en moyenne et haute altitude. Son aire de distribution devrait se contracter avec l’élévation des températures, isolant davantage les populations. Les populations de basse à moyenne altitude pourraient ainsi disparaître dans les prochaines décennies.

Le Lièvre européen (Lepus europaeus) pourrait quant à lui profiter de l’augmentation des températures et étendre son aire de distribution plus en altitude, entrainant des phénomènes de compétition ou d’hybridation avec le lièvre variable.

Le lièvre variable est difficile à observer : nocturne, discret, il se fond dans le milieu avec son pelage. Le développement des techniques génétiques (ADN environnemental) permet aujourd'hui l'identification des espèces et des individus à partir de fèces récoltées sur le terrain. 

Pour étudier les changements de distribution des deux espèces à moyen et long terme, des crottes sont collectées le long d'un gradient altitudinal et dans différents contextes bioclimatiques. La stratégie d'échantillonnage repose sur des cartes de prédiction de présence des deux espèces modélisées à partir de données collectées depuis plusieurs années par les agents de terrain. 

Livrable Rapport méthodologique (août 2021)

À noter

Changement de distribution de la marmotte des Alpes (PN du Mercantour)

La marmotte des Alpes (Marmotta marmotta) est une espèce relativement commune et emblématique de la faune alpine. Elle joue un rôle majeur dans la chaîne trophique des écosystèmes supra-forestiers.

Marmotte - Vercors - A. Jailloux
Marmotte des Alpes © A. Jailloux

Cette espèce est inféodée aux milieux ouverts d’altitude qui sont le siège de multiples pressions et mutations. L’augmentation des températures moyennes et la réduction du manteau neigeux (durée et épaisseur) peuvent fragiliser l’espèce. Les effets du changement climatique pourraient ainsi être particulièrement forts sur leur dynamique et distribution, notamment sur les populations situées en marge d’aire de distribution : limites méridionales et basses altitudes. A cela s’ajoutent des menaces liées aux épizooties, aux pressions touristiques et pastorales ou encore à la dynamique forestière.

Pour étudier les changements de distribution de cette espèce à moyen et long termes, des relevés en présence-absence basés sur des observations visuelles et auditives (cris d’alarme) et la recherche d’indices de présence (terriers notamment) seront collectées sur l’emprise du PN du Mercantour. La stratégie d’échantillonnage reposera sur des cartes de prédiction de présence modélisées à partir de données collectées depuis plusieurs années par les agents de terrain. Le protocole ainsi élaboré pourra être déployé sur d’autres massifs montagneux où l’espèce est présente.

Analyse des données en cours (au 1er janvier 2022)

Changement de distribution des communautés d’orthoptères dans les Alpes en lien avec le réchauffement climatique (PNx du Mercantour et des Ecrins)

Les orthoptères (criquets, sauterelles, etc.) ont un rôle important dans les écosystèmes. Phytophages, ils peuvent consommer d’importants volumes d’herbes. Par ailleurs, ils représentent une ressource alimentaire essentielle pour de nombreuses d’espèces, d'oiseaux notamment. 

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Capture d’orthoptères au filet-fauchoir (T. Couturier)
Capture d’orthoptères au filet-fauchoir © T. Couturier

Certaines espèces sont généralistes, d’autres inféodées aux climats méditerranéens ou montagnards, ce sont donc de bons modèles d'étude pour étudier les effets du réchauffement climatique à large échelle. 

Plusieurs techniques permettent de relever la présence ou l’absence des espèces : reconnaissances auditives (stridulations), observations visuelles et captures au filet fauchoir.  

Des stations de suivi disposées à différentes altitudes permettent d’étudier les changements à long terme dans les cortèges d’orthoptères. La comparaison avec des données historiques collectées dans les années 1960 et 1980 fournit les premières mesures de ces évolutions. 

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