Étude de la connectivité des populations de Lynx boréal en France (programme Connect)
La conservation du Lynx boréal en Europe occidentale repose sur l’établissement de l’espèce dans l’ensemble des habitats favorables, et sur sa capacité à pouvoir circuler entre les populations locales pour favoriser l’apport de nouveaux individus et un brassage génétique. Le programme Connect étudie cette connectivité à l’échelle des populations transfrontalières, sur trois axes de recherche visant à mieux comprendre les habitats favorables, les mécanismes de dispersion et d’établissement des individus, et enfin les flux de gènes associés.
La connectivité, un enjeux de conservation en Europe occidentale
La présence du Lynx boréal en Europe occidentale est essentiellement liée à des programmes de réintroduction, débutés dans les années 1970 en Suisse, puis organisés dans la plupart des pays européens jusqu’à une période récente. Les lynx réintroduits ont été souvent peu nombreux et capturés dans la même région des Carpates slovaques. Depuis les années 2000, les programmes de réintroduction ont été également alimentés à partir de lynx capturés dans les populations reconstituées dans le jura et les alpes suisses.
Les populations actuelles sont fragiles. Elles sont de taille réduite et présentent une diversité génétique faible qui pourrait s’appauvrir encore du fait de nombre d’individus limité (phénomène de dérive génétique).
En Europe occidentale, l’habitat favorable du lynx est fragmenté. Une meilleure connaissance des barrières existantes et de leur influence sur la viabilité des populations est indispensable pour mettre en place des mesures de conservation efficientes. Cette stratégie ne peut être envisagée que :
- sur le long terme, permettant de prendre en compte des éventuels phénomènes d’appauvrissement de la diversité génétique,
- et à l’échelle internationale de l’Europe occidentale, pour prendre en compte les dispersions entre populations locales (gestion en métapopulation).
Le programme Connect se place sur le court terme (5 ans), il est une étape dans la connaissance de cette espèce.
Identification des habitats favorables pour le lynx
Le réseau Loup-lynx centralise les données de présence du Lynx boréal en France. L’analyse de la répartition spatiale et temporelle de ces informations permet d’évaluer la présence régulière du lynx : où l’espèce est considérée comme établie socialement et peut se reproduire.
Le modèle statistique dit « d’occupancy » prend en compte l’effort d’échantillonnage et la détection imparfaite de l’espèce par le réseau. Il vise à identifier les variables environnementales qui caractérisent le mieux cette présence régulière du lynx : couvert forestier, connectivité forestière, couvert en buissons, terrain ouvert, agriculture, distance aux autoroutes, présence de routes, densité humaine, rugosité, présence de proies, dérangement humain.
La cartographie des habitats favorables au lynx permettra d’évaluer la présence de l’espèce en fonction de la capacité d’accueil des différents massifs et la proximité des noyaux de population.
Identification des mécanismes de dispersion et d’établissement des individus
La dispersion et l’établissement des individus sur un territoire donné seront simulés par un modèle biologique, défini à partir de données réelles de suivi de lynx équipés de colliers VHF et GPS ou suivi par photo-identification.
Le processus de dispersion et d’établissement des individus sera intégré dans un modèle biologique plus général simulant le fonctionnement démographique d’une population sur le long terme pour estimer sa viabilité.
Une première version du modèle a déjà été utilisée dans le projet Ittecop ERC-Lynx - Eviter, réduire et compenser le risque de mortalité du Lynx par collision avec les véhicules de transport. Cet outil permet d’évaluer l'influence :
- des aménagements routiers (créer ou supprimer un segment routier, modifier le type d’un segment routier) ou paysagers (modifier le type de couvert),
- de la gestion sur la population de lynx (introduire, déplacer ou retirer des individus).
Ces deux modèles biologiques seront améliorés à partir de nouvelles données de terrain.
Le projet est réalisé en partenariat avec la fondation suisse Kora ainsi que le groupe EuroLynx.
Évaluation des flux de gènes dans le paysage
Quand un lynx disperse dans un nouveau secteur et se reproduit, il transmet aux générations suivantes son patrimoine génétique. La diversité génétique locale est ainsi le témoin de ce flux de gènes à travers le paysage :
- homogène dans l’espace, elle traduit une circulation normale des individus qui entretiennent un brassage génétique,
- à l’inverse l’hétérogénéité spatiale de la diversité génétique sera interprétée comme une altération du flux de gènes lié à un défaut de déplacements des individus ou leur absence de participation à la reproduction.
L’étude par la génétique du paysage est le carrefour entre plusieurs disciplines : la génétique des populations, l’écologie du paysage et les statistiques spatiales. Elle consiste à :
- identifier le profil génétique (génotypage) d’un maximum de lynx différents dans l’ensemble de l’aire de présence de l’espèce,
- comparer la distance génétique entre les échantillons à la distance géographique. L’altération du flux de gènes est identifiée quand les prélèvements sont proches géographiquement mais éloignés génétiquement. À l’inverse le flux de gènes est considéré comme favorisé quand les échantillons sont proches génétiquement mais éloignés géographiquement.
- étudier l’hétérogénéité spatiale de la diversité génétique en fonction des éléments du paysage susceptibles d’influencer la connectivité. La génétique du paysage permet d’identifier les secteurs concernés par une altération du flux de gènes mais également les éléments du paysage en cause.
Ce travail repose actuellement sur une collaboration entre l’OFB, la fondation suisse Kora et le laboratoire de Biométrie et de biologie évolutive (UMR CNRS, UCB Lyon 1). Il concerne les populations de lynx dans les massifs transfrontaliers du Jura et des Alpes occidentales et un secteur en France concerné par un front de colonisation de 300 km entre les contreforts vosgien et du massif Central.
Le génotypage des lynx est réalisé à partir de prélèvements sur les cadavres de lynx. Dans les Alpes françaises et en Bourgogne, des poils seront collectés en complément pour augmenter le nombre d’échantillons pour obtenir plus de génotypes de lynx dans les régions manquant de données.