Réduire les pollutions diffuses sur un territoire, et pour les captages d'eau potable

Les collectivités sont légitimes pour assurer le déploiement d’une démarche visant à reconquérir ou préserver la bonne qualité des eaux. Il est important que cette démarche soit adossée à un projet de territoire, issu d’une réflexion intégrée. En effet, l’atteinte de résultats dépend aussi de facteurs se situant en dehors du champ thématique strict de l'eau, comme par exemple le soutien aux filières agricoles ou les politiques d’aménagement de la collectivité.

Conditions au démarrage d'une démarche  

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Bassin versant de la Loue (25) Crédit : Michel Bramard / Office français de la biodiversité

Avant d’engager une démarche de protection de captages quelques prérequis sont nécessaires

  • Des élus convaincus et impliqués dans le pilotage de la démarche. Ils sont les garants de la cohérence des politiques menées sur le territoire et peuvent jouer le rôle de facilitateur dans la mobilisation des acteurs.
  • Un animateur – chargé de projet embauché dès le démarrage du projet. Il est responsable de l’animation territoriale et doit assurer l’atteinte des objectifs fixés. En cela, il favorise la circulation de l’information, crée du lien et est à l’écoute des besoins. 
  • Des services de l’Etat attentifs et mobilisés qui accompagnent les collectivités dans la mise en œuvre des activités. 
  • Des acteurs ouverts au dialogue et prêts à échanger des informations les concernant.

Cela implique la mise en place d’un dialogue entre les acteurs du territoire (dont les élus) dont les activités ont un impact sur la qualité de l'eau. Ce dialogue doit favoriser la construction d’un diagnostic partagé et la formulation de propositions d’actions.

Cette étape de dialogue est importante pour faciliter l'appropriation du projet par les parties concernées et préparer les prises de décisions.

Un engagement dans la durée

Historique

2007 - Grenelle de l’Environnement : établissement d'une liste de 500 "captages prioritaires" pour lesquels des actions doivent être engagées pour réduire les pollutions diffuses.

2013 - conférence environnementale : la liste passe de 500 à 1 000 "captages prioritaires" 

2016 - ateliers organisés par les ministères en charge de l’environnement, l’agriculture et la santé : définition d'une feuille de route commune visant à lever les freins au déploiement de la politique. 

2019 - seconde séquence des Assises de l’eau : concertations et réaffirmation des enjeux liés à la protection des 1 000 "captages prioritaires". Plusieurs objectifs fixés :  

  • Les 1 000 "captages prioritaires" doivent disposer d’un plan d’action d’ici fin 2021
  • Des engagements devront être "formalisés" sur au moins 350 captages d'ici 2022, puis 500 captages d'ici 2025.

2020 - nouvelle compétence : toutes les collectivités peuvent entreprendre des démarches locales pour réduire les pollutions diffuses à l'échelle des aires d'alimentation de captage.

    Il est clair qu’une telle démarche, eu égard des enjeux, des acteurs et des temps de réponse des masses d’eau, s’inscrit dans la durée. Il est donc important de s'assurer de bien remplir ces conditions préalables mentionnées avant de lancer à proprement dit l'élaboration et la mise en œuvre d’actions sur le terrain.

    Une fois lancée, la démarche doit également être suffisamment souple pour pouvoir être adaptée en cours de route si les choix initialement pris s’avèrent peu efficaces ou efficients.

    Description des étapes d'une démarche territoriale

    L’ensemble des étapes d'une démarche territoriale est représenté dans le schéma ci-dessous. Elles sont décrites dans les paragraphes suivants. 

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    Étapes d'une démarche territoriale appliquée à la préservation de la qualité de l'eau. Crédit : Guillaume Juan / Office national de la biodiversité

    Préparation de la démarche

    Cette étape vise à :

    • obtenir une vision commune
    • analyser le contexte local,
    • formuler des enjeux locaux par les parties prenantes,
    • faire émerger une dynamique collective

    Il est recommandé pour cela d’instaurer une instance de dialogue, composée de représentants des différents groupes d’intérêt (cf. Barret, 2014). Il peut être nécessaire de faire appel à des experts et/ou des études pour alimenter les visions et les propositions émanant de cette instance. C’est donc durant cette étape que s’opère l’identification des études préalables à réaliser

    Une stratégie doit ensuite être mise au point. Elle repose notamment sur les interrogations suivantes : avec qui ?, pour qui ?, quels sont les leviers mobilisables ?, où sont les marges de progrès ?

    A l'issue de cette étape il est important de constituer un comité de pilotage. Il aura pour vocation d'instruire l'ensemble de la démarche.

    Ce comité de pilotage est composé à minima par :

    • des élus et équipes techniques de la collectivité,
    • des services de l’Etat,
    • les différents partenaires contribuant à la mise en œuvre du plan d'actions. 

    Des représentants des parties prenantes ayant participé au processus de dialogue préalable peuvent y être intégrés. 

    Pour la création de cette gouvernance territoriale, le guide pour la mise en œuvre de la gouvernance en appui au développement durable des territoires (Rey-Valette et al., 2011) apporte des recommandations notamment sur les modalités de participation, le dimensionnement du groupe et sa mobilisation.   

    La réalisation d’un diagnostic territorial sociologique des enjeux et des acteurs (DTSEA) peut aussi s'avérer utile pour la définition de la gouvernance. En effet, ce diagnostic peut permettre de :

    • donner un sens territorial à l’action, 
    • acquérir une représentation stratégique des jeux d'acteurs.

    Réalisation d'études préalables

    Les études réalisées permettent de mieux comprendre le problème, ses causes et ses effets. 

    Elles permettent aussi de délimiter le territoire du projet, qui correspond à un "territoire fonctionnel à la fois physique, organisationnel et vécu" (Loupsans et Mettoux-Petchimoutou, 2019). Ce territoire intègre l’aire d'alimentation de captages (AAC), dont la définition repose sur des connaissances hydrologiques et hydrogéologiques. Ces délimitations doivent être partagées avec les acteurs et faire l’objet de restitutions publiques.

    Les études à mener sont donc à la fois d’ordre technique (comprendre les mécanismes de contamination, évaluer les pressions via le diagnostic territorial des pressions et émissions agricoles (DTPEA), etc.) et sociologique (comprendre les visions des acteurs). Elles garantissent la cohérence de l'action qui sera menée vis-à-vis des enjeux et objectifs visés.

    Cette étape est aussi l’occasion de collecter et compiler des données, souvent réparties entre différents acteurs, et de mettre en commun des connaissances.

    Pour mieux comprendre comment les différentes études s’articulent entre elles, cliquez ici.

    Construction d'un plan d'actions

    Au vu des éléments issus des étapes précédentes, le porteur du projet, via le comité de pilotage, doit fixer des objectifs opérationnels et des résultats à atteindre

    Sont ensuite définis les actions, a priori les plus efficaces, à mettre en œuvre. Des groupes de travail, incluant les parties prenantes, peuvent être créés pour la co-construction d'actions spécifiques. Des zones prioritaires d’action peuvent aussi être délimitées au regard des enjeux environnementaux et socio-économiques. 

    Les moyens humains et financiers alloués au projet sont également définis à cette étape. La durée d’exécution est en partie conditionnée par les ressources disponibles.  

    Il est important que le porteur du projet se dote durant cette étape d’outils de planification et de suivi (calendrier des activités et tableau de bord avec indicateurs de réalisation et de résultats).

    Des engagements peuvent être formalisés entre la collectivité et les acteurs du monde agricole, en complément de ce plan d’actions, afin d’en faciliter la mise en œuvre.

    Mise en oeuvre 

    La mise en œuvre d’actions de restauration ou de préservation de la qualité de l’eau des captages d’eau potable repose sur une forte mobilisation et implication des acteurs du territoire

    Elle repose également sur différents leviers que Lascoumes et Le Galès (2004) classent en cinq types :

    • Législatif et réglementaire (imposition d’un intérêt général), exemples : dispositif « Zone Soumise à Contrainte Environnementale » (ZSCE), Déclarations d’Utilité Publique (DUP) des périmètres de protection, normes eau potable. 
    • Economique et fiscal (recherche d’une utilité collective, efficacité sociale et économique), exemples : mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), aides à la conversion ou au maintien de l’agriculture biologique, outils de maîtrise des usages du foncier, taxes. 
    • Conventionnel et incitatif (recherche d’engagement direct), exemples : certifications et labels (Haute Valeur Environnementale, Agriculture Biologique, Communes sans pesticides, etc.), chartes. 
    • Informatif et communicationnel (responsabilisation des acteurs), exemples : formations, bulletins de santé. 
    • Normes et standards (scientifico-technique et/ou mécanismes de marché), exemples : marchés publics.

    Des ajustements du plan d’actions peuvent être réalisés « chemin faisant » au regard de l’avancement des activités, des résultats obtenues, du positionnement des acteurs et des nouvelles données et connaissances partagées. Des outils d’animation et de suivi sont pour cela mobilisés, permettant de piloter la démarche. Il est ainsi nécessaire d’associer le comité de pilotage au suivi de la mise en œuvre du plan d’actions. 

    D’autres instances peuvent être créées en parallèle de ce comité de pilotage pour travailler sur des sujets précis et fournir des éléments qui faciliteront les prises de décision. Des recommandations sont présentées à ce sujet dans le guide d'aide pour la réalisation du diagnostic territorial des pressions et émissions agricoles (DTPEA).

    Évaluation 

    Cette étape s’inscrit dans le cadre d’une démarche d’évaluation de l’action publique. Cette procédure doit être prévue dès le lancement du projet car elle mobilise des informations spécifiques qui doivent être recueillies de manière échelonnée dans le temps.

    Le guide méthodologique pour la réalisation des bilans évaluatifs des contrats territoriaux « pollutions diffuses » de l’Agence de l'eau Loire-Bretagne (Zakeossian et Mühlberger, 2012) propose d’aborder un certain nombre de questions évaluatives, propres à chaque territoire. Ces questions peuvent concerner par exemple : 

    • la pertinence des actions engagées et des stratégies territoriales, 
    • les dynamiques de projet et en particulier l’animation et la gouvernance, 
    • le bilan technique et financier et l’examen de sa conformité aux prévisions. 

    Ce guide apporte également une présentation détaillée de la démarche d'évaluation pour aider les animateurs des projets à réaliser eux-mêmes une partie des tâches d’évaluation au travers de conseils méthodologiques précis ou les accompagner dans leur relation auprès des prestataires externes retenus.

    L’évaluation du projet en fin d’exécution apporte des éléments utiles pour l'analyse de la stratégie, gouvernance et du plan d’actions. Elle peut aussi conduire à l'identification de nouvelles problématiques qui nécessiteront donc des études qui complèteront le diagnostic initial.