Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus)
Le Balbuzard pêcheur est un rapace diurne, vivant des poissons qu'il pêche près de la surface. Il fréquente ainsi de vastes territoires de plusieurs kilomètres carrés et évolue sur tous les continents.
Nom
Classification : Chordata/ Aves/ Accipitriformes/ Pandionidae |
Statuts de conservation (listes rouges UICN) Statut réglementaire : espèce protégée dans l'hexagone et plusieurs départements d'outre-mer |
Poids : 1,2 à 2 kg, la femelle étant plus imposante que le mâle.
Taille
- Longueur 50-60 cm.
- Envergure : 145-170 cm
Plumage adulte
Le dos et les ailes brun foncé contrastent avec le ventre blanc.
Les parties inférieures sont claires avec une tache sombre au poignet et une barre brune sous l’aile.
Autres caractéristiques
- Queue courte et carrée
- Tête fine et proéminente, blanche avec un masque noir et des yeux jaunes
- Bec crochu et long, noirâtre et gris-bleu à la base
- Pattes gris-bleu
Distinction jeunes/adultes
Dès la naissance le plumage juvénile est très semblable à celui des adultes. La distinction se fait grâce à un motif écailleux sur le dos : liserés clairs des couvertures sus-alaires. Ce motif disparaît au cours de la mue du deuxième automne.
De plus, les jeunes portent un large collier brun-gris ou roux, conservé à l'age adulte par les femelles.
Dimorphisme sexuel faible
Les mâles et femelles présentent peu ou pas de caractères distinctifs marquant, variables entre individus. Ainsi le dimorphisme est principalement identifiable face à un couple mais pas systématiquement, et très complexe devant un individu seul. Certains éléments peuvent être utilisés, dont deux principaux.
- Poids : la femelle pèse en moyenne 400g de plus que le mâle.
- Plastron : généralement plus foncé chez les femelles que pour les mâles (absent ou peu marqué).
Dimorphisme sexuel chez Pandion haliaetus : A-femelle adulte ; B-mâle adulte (Strandberg, 2013)
- Forme de l'aile
- Dessin des couvertures sous alaires (barrées chez la femelle et le jeune / blanc pur chez le mâle) et des axillaires
- Forme de la poitrine et du ventre
- Forme de la tête et du bec
- Dessin de la poitrine
- Longueur de la queue
- Forme des couvertures primaires et motif de la tache sombre du poignet
Lignes bleues : différences dans le rapport entre les pattes et la queue.
Habitat
Le Balbuzard pêcheur est susceptible d’occuper une large gamme d’habitats associant un site favorable à la reproduction avec la proximité de zones de pêche.
Une alimentation nécessitant des espaces aquatiques
L’espèce pêche près de la surface en eaux claires et peu profondes, en eau douce ou en mer. La présence d’un large éventail de milieux aquatiques (étangs, lacs, rivières...) favorise son installation.
Opportuniste, il fréquente des territoires d’alimentation très vastes (2 à 6 km² en moyenne), sans spécialisation sur un plan d’eau particulier.
Des sites de reproduction sensibles au dérangement
En Europe, le nid est installé le plus souvent en un site tranquille, élevé et offrant un large champ visuel. La proximité avec les lieux de pêche est recherchée sans que les nids soient nécessairement construits au bord de l’eau. Ainsi certains couples nichent en pleine forêt et peuvent se déplacer à plusieurs kilomètres pour s’alimenter. Le balbuzard tolère assez mal le dérangement en période d’installation, il évite la présence humaine.
Les oiseaux continentaux et nordiques installent leur nid à la cime des arbres, tandis que les méditerranéens préfèrent les falaises rocheuses dans les environnements aquatiques marins ou saumâtres.
L’emplacement et la construction du nid sont déterminants pour la réussite de la reproduction. En conséquence, les couples formés sont fidèles à leur site de reproduction, et réutilisent la même aire, année après année.
L'arbre comme aire de repos
Pendant la migration ou l’hivernage, les arbres sont couramment utilisés comme gîtes nocturnes.
Cycle de vie (alimentation, reproduction, paramètres démographiques...)
Alimentation : presque exclusivement piscivore
L’espèce dépend entièrement d’une provision suffisante de poissons de taille moyenne. D'un comportement alimentaire opportuniste, elle pêche le plus souvent en eau claire, là où les proies sont plus facilement visibles.
Le Balbuzard repère les poissons nageant en surface, en vol ou depuis un perchoir, puis se jette dans l'eau les serres en avant pour les capturer avec.
Reproduction
- Une ponte par an, comportant 1 à 3 œufs.
- Maturité sexuelle : à partir de 3 ans.
Les couples sont généralement isolés, mais peuvent aussi former de petites colonies lâches (nids séparés de quelques centaines de mètres).
Longévité
Maximale relevée en France : 13 ans (en Corse).
En Amérique du nord et en Scandinavie : des âges de 25 ans sont cités.
Comportement (mode de vie, déplacement, domaine vital...)
Le Balbuzard est un rapace diurne et territorial.
Domaine vital : centré sur le site de reproduction
Son étendue dépend principalement de la ressource en proies disponibles. Le Balbuzard pêche généralement autour du site de reproduction, dans un rayon de 15 km.
Les couples sont isolés le plus souvent, mais peuvent aussi former de petites colonies lâches où les nids sont séparés de quelques centaines de mètres.
La défense territoriale est active aux abords du nid, avec la surveillance des prédateurs, contrairement aux territoires de pêche.
Déplacements
Les populations françaises présentent des écologies bien différentes.
- En métropole :
- population continentale migratrice : nicheuse en France continentale et en Europe du Nord, hivernante au sud du Sahara ou au sud de la péninsule ibérique (départ en septembre, retour en mars-avril),
- population insulaire sédentaire en Corse ou peu mobile et parfois erratique en Méditerranée (les échanges entre les îles en font un fonctionnement en population unique) ;
- En outre-mer : différentes populations aux écologies variées qui concernent plusieurs sous-espèces.
Interactions écologiques et avec les activités humaines
Menaces potentielles sur le Balbuzard pêcheur
Plusieurs types d’obstacles naturels ou artificiels, ainsi que les infrastructures linéaires, peuvent constituer une menace importante.
Les pylônes sont à la fois une opportunité et une menace : « L’électrocution sur les réseaux de transport de l’énergie électrique est la principale cause de mortalité même si une partie des oiseaux qui s’installent dans l’intérieur du pays ont vu le jour au sommet de pylônes électriques de l’est du continent ». (Cahiers d'Habitat "Oiseaux", MEEDDAT-MNHN)
Répartition géographique et situation de l'espèce
Répartition mondiale : une espèce cosmopolite
Le Balbuzard pêcheur est l’un des rares rapaces qui s'accomodent de toutes les régions du monde. Ainsi il est présent sur tous les continents sauf en Antarctique : Amérique du Nord et centrale, Eurasie, bassin méditerranéen, Océan Pacifique et côtes australiennes, et lors de l'hivernage en Amérique du Sud, Afrique subsaharienne et sud de l'Asie.
Carte de distribution du Balbuzard pêcheur dans le monde (BirdLife, 2022)
Statuts de présence : résident (native resident), nicheur (native breeding), hivernant (native non breeding), de passage.
Distribution en France métropolitaine et Corse
Les populations nidifient ou sont de passage, certains individus tendent à hiverner (cf. partie Comportement).
Une population nicheuse encore fragile
Au XIXe siècle, les persécutions envers le Balbuzard pêcheur ont conduit à sa disparition de France continentale. En 1984 un premier couple est venu nicher en région Centre, puis un deuxième couple en 1991. Depuis l'espèce est installée dans plusieurs autres régions et l'effectif total atteint la centaine de couples.
Le Balbuzard demeure une espèce sensible, classée vulnérable selon la Liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine (UICN-France et al., 2016).
Le passage et l’hivernage
Beaucoup de balbuzards continentaux passent par la France lors de leur migration à destination de l’Afrique subsaharienne. Progressivement, des couples font le choix de décaler leur site d’hivernage vers le nord : en péninsule ibérique et en France.
Les premières mentions d’hivernage de l’espèce en France continentale datent de l’hiver 1985-1986 (Pyrénées Atlantiques et Vendée).
Une tendance à l’hivernage en France continentale semble se dessiner mais elle concerne encore peu d’individus.
Évolution des effectifs hivernants (bleu) et du nombre de couples territoriaux de Balbuzards pêcheurs (ligne orange) en France métropolitaine (Synthèse Wetlands 2022)
Distribution en outre-mer, principal effectif français
- Antilles françaises, Guyane, Saint Pierre-et-Miquelon : passage (sous-espèce carolinensis).
À noter : observations en Martinique et Guadeloupe de la sous-espèce caribéenne ridgwayi, où elle nichait peut-être autrefois. - Mayotte et île de Clipperton : occasionnel.
- Nouvelle-Calédonie : nidification de la sous-espèce cristatussédentaire, induisant une forte responsabilité de la France.
À noter : cette population est plus nombreuse que celle de France métropolitaine.
Réglementation
En France, l'espèce est protégée en métropole de même qu’en Guyane, Guadeloupe, Martinique, Mayotte, et St Pierre et Miquelon.
La sous-espèce cristatus est protégée en Nouvelle Calédonie (provinces nord & sud).
Statut juridique
- Statuts internationaux
- Commerce international : espèce réglementée - annexe II - Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES)
- Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS - Convention de Bonn) : Annexe II
- Convention de Barcelone : Annexe II (application par le Décret n° 2014-1195)
- Statut européen: Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (Convention de Berne) : Annexe II
- Statut communautaire (UE) : annexe I - Directive Oiseaux (Directive 79/409/CEE), prise en compte dans les évaluations des incidences des sites Natura 2000 désignés pour l’espèce (Liste des zones de protection spéciale)
- Statut national : espèce protégée - Arrêté ministériel du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Réglementation : précisions sur l'arrêté du 29 octobre 2009, article 3
L'arrêté interdit entre-autres toute destruction intentionnelle des oeufs et des nids, ainsi que la destruction ou la perturbation intentionnelle des oiseaux. La protection de ses habitats (sites de reproduction et aires de repos) interdit toute intervention sur ces milieux particuliers à l'espèce et notamment tous types de travaux susceptibles de les altérer ou de les dégrader.
Observation, étude et gestion
L'espèce bénéficie d'un plan national d'actions
Faisant suite à deux plans nationaux de restauration mis en œuvre depuis 1999, le plan national d’actions (PNA) Balbuzard pêcheur 2020-2029 a pour but d’accompagner la reconquête de la France continentale par cette espèce tout en assurant la sauvegarde de la population insulaire de Corse.
Ce nouveau PNA inclut également le Pygargue à queue blanche, au vu de leurs fortes similitudes en termes d'écologie, de dynamique de population et de menaces.
Le PNA prévoit différentes actions regroupées par objectifs :
- connaissance et veille écologique : suivi des populations et veille sanitaire,
- protection et gestion conservatoire : préservation des habitats et des sites de nidification, limitation des perturbations d'origine anthropique, prévention des risques de mortalité d'origine anthropique, évaluation de l'impact sur les activités piscicoles, aide à l'installation de nouveaux noyaux de populations, soutien à la coopération internationale en priorité vers la Méditerranée,
- communication et animation : sensibilisation des usagers de la nature, des professionnels et du grand public, animation et coordination du plan.
La coordination technique est assurée par la Dreal Centre-Val de Loire, qui a désigné la LPO comme animatrice du plan. Une déclinaison régionale est assurée par les Dreal et autres structures locales.
Le rôle de l’OFB dans la protection de l'espèce
L’Office français de la biodiversité (OFB) est un partenaire essentiel dans la mise en œuvre du PNA et il contribue à la plupart des actions. Il porte un rôle déterminant pour certaines : veille sanitaire, limitation des perturbations, prévention des risques, évaluation de l’impact, etc.
Ainsi ses actions en métropole s'inscrivent dans le cadre du PNA
En outre mer
L’OFB participe à la surveillance de populations nicheuses en Nouvelle-Calédonie ou de passage, notamment aux Antilles.
Cette action se place hors cadre PNA, le 2020-2029 ne concernant pas les territoires d’outre-mer.
Informations complémentaires et références
Informations complémentaires
- Plan national d’actions en faveur du Balbuzard pêcheur et du Pygargue à queue blanche 2020-2029
- Fiches espèces
- Impacts et pressions
Références
- Moussy, C., Quaintenne, G. & Gaudard, C., 2022. Comptage des Oiseaux d’eau à la mi-janvier en France. Résultats 2022 du comptage Wetlands International. LPO BirdLife France – Service Connaissance, Wetlands International, Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. 30 pp. & annexes 101 pp., Rochefort.
- Csabai, E., 2020. Plan national d’actions en faveur du Balbuzard pêcheur et du Pygargue à queue blanche - 2020-2029. Ligue pour la protection des oiseaux – Dreal Centre-Val de Loire - Ministère de la Transition écologique et solidaire : 75 p.
- UICN-France, MNHN, LPO, SEOF & ONCFS, 2016.– La Liste rouge des espèces menacées en France. Chapitre des Oiseaux de France métropolitaine. Paris, France.
- Patier, N., Armand, T., Leblanc, G., Moulard, C., & Lhomer, E., 2015. Plan Régional d'Actions Lorraine 2015-2020 grands rapaces piscivores : Balbuzard pêcheur Pandion haliaetus & Pygargue à queue blanche Haliaeetus albicilla. LOANA / DREAL Lorraine. 161 p.
- Strandberg, R., 2013. Ageing, sexing and subspecific identification of Osprey, and two WP records of American Osprey. Dutch Birding, 35 : 69-87.
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- Bai M.-L., Schmidt D., Gottschalk E., Muehlenberg M., 2009. Distribution pattern of an expanding Osprey (Pandion haliaetus) population in a changing environment. J. Ornithol. 150, 255–263.
- Wahl R., Barbraud C., 2005. Dynamique de population et conservation du balbuzard pêcheur Pandion haliaetus en région centre, in: Alauda 73 (4). Actes du Colloque Francophone d’Ornithologie No29, 13/14 novembre 2004, Société d’Etudes Ornithologiques de France, Nantes, France, pp. 365–373.
- Thiollay J.-M., Bretagnolle V., Newton I., Thurel J., 2004. Rapaces nicheurs de France : distribution, effectifs et conservation, La Bibliothèque du naturaliste. Delachaux et Niestlé, Paris, France.
- Bretagnolle V., Pandolfi M., Lecoq V., Broudissou J., 2001. Le Balbuzard pêcheur Pandion haliaetus en Nouvelle-Calédonie : effectif, répartition et menaces. Alauda, 69 (4) : 491-501.
- Thiollay J.-M., Wahl R., 1998. Le balbuzard pêcheur Pandion haliaetus nicheur en France continentale. Ecologie, dynamique et conservation. Alauda 66, 1–12.
- Trimper P.G., Standen N.M., Lye L.M., Lemon D., Chubbs T.E., Humphries G.W., 1998. Effects of low-level jet aircraft noise on the behaviour of nesting osprey. J. Appl. Ecol. 35, 122–130.